La Commission européenne a ouvert lundi 5 février une enquête approfondie sur le plan de sauvetage révisé de la compagnie aérienne Corsair et sur la question de savoir si ce plan peut rétablir sa viabilité à long terme tout en limitant les distorsions de concurrence.
La France a demandé l’an dernier à Bruxelles l’autorisation de modifier le plan de restructuration qui avait été approuvé par la Commission européenne en 2020, au profit de Corsair.
À cette date, deux mesures avaient été prises en faveur de la compagnie aérienne française : d’abord une aide à la restructuration d’un montant de 106,7 millions d’euros, et en second lieu, une aide compensatoire d’un montant de 30,2 millions d’euros pour les dommages subis en raison des restrictions de transports aériens de passagers mises en place par les gouvernements lors de l’épidémie de coronavirus pour la période du 17 mars 2020 au 30 juin 2020.
La France soutient qu’en dépit de ces aides d’autres événements extérieurs exceptionnels et imprévisibles ont eu un impact négatif sur le groupe.
La Commission européenne veut savoir tout de même si tout est conforme aux règles de l’UE en matière d’aides d’État. « À ce stade, sur la base de son évaluation préliminaire, la Commission doit procéder à une évaluation plus approfondie pour déterminer si le plan de restructuration révisé est compatible avec les règles de l’UE en matière d’aides d’État », indique l’Europe dans un communiqué.
La Commission va vérifier que les contributions propres de Corsair sont suffisantes, réelles, effectives et exemptes de toute aide. Que l’aide à la restructuration est proportionnée et que l’État reçoit une rémunération appropriée pour son intervention. Que Le plan de restructuration peut rétablir la viabilité à long terme de Corsair sans aide d’État supplémentaire ou continue et dans un délai raisonnable.
Que des mesures appropriées sont en place pour limiter les distorsions de concurrence créées par les aides à la restructuration du marché intérieur des services de transport aérien. Que la modification du plan de restructuration de Corsair contribuerait de manière adéquate au développement d’une activité économique ou de la zone économique desservie par l’entreprise, comme le prétendait le plan de restructuration initial.
La compagnie aérienne Corsair concerne à plus d’un titre la Guadeloupe. Pas seulement parce qu’elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pointe-à-Pitre ni parce qu’elle dessert par vols réguliers le département, mais aussi parce que la Région Guadeloupe a mis au pot lors de la restructuration de 2020 sans qu’aucune disposition tarifaire ne soit venue reconnaître l’effort des clients contribuables guadeloupéens.
Le prétexte de la continuité territoriale apparaît comme un argument faible dans une politique de transport qui satisfait les besoins des entreprises et leurs actionnaires, et pas forcément l’intérêt des usagers insulaires.
Aujourd’hui la région Guadeloupe est suivie par le Département de la Guadeloupe qui lui aussi est annoncé parmi les financeurs de 2023. Sans qu’aucune mesure ne soit édictée pour les fonds publics distribués. Ni contrepartie sur la gouvernance de l’entreprise.
Aucune des collectivités n’apparaît parmi les 22 actionnaires de la société Outre-mer R plane (OMRP), propriétaire de Corsair à 100 %. Présidée par Éric Koury jusqu’en 2023, la société réunit dans son top cinq des parts sociales, le Guadeloupéen Éric Koury (1 800 000 de parts), les Guyanais Du (1 800 000 de parts), les Guadeloupéens Loret (1 800 000), Chaulet (1 500 000), Patrick Vial-collet (1 000 000 de parts).
Or, outre ses propres difficultés financières, Corsair est rattrapée par celles de l’un de son prochain actionnaire : la République du Congo. Ce pays a une dette d’environ un milliard d’euros à l’égard de l’homme d’affaires Moshen Hodjeg et se trouve sous la menace d’une saisie des actions (15 millions d’euros) qu’il s’apprêtait à investir dans Corsair.
Ce risque qui plane sur l’investissement congolais menace le plan de sauvetage de Corsair. Moshen Hodjeg par le biais de son cabinet d’avocat Archipel a déjà réussi à vendre aux enchères, l’avion présidentiel de Denis Sassou Nguesso, président de la République du Congo.
Si la Commission européenne n’approuve pas le plan de restructuration de la compagnie aérienne, l’argent des contribuables de l’Hexagone, celui de Guadeloupe via ses collectivités Région et Département et celui de Martinique via la Collectivité Martinique, non seulement n’aura pas profité aux usagers insulaires mais risque aussi de partir en fumée.
Opérant depuis Paris et d’autres grandes villes françaises, Corsair assure des vols vers l’océan Indien, l’Afrique, les Antilles et l’Amérique du Nord. En transportant 1,27 million de passagers, elle se classait en 2022 au cinquième rang des transporteurs aériens en France, juste derrière Air France, Transavia France, Air Corsica et Air Caraïbes, d’après les statistiques de la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC).
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