La Maison des entreprises de la Communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre (CANBT) a été inaugurée ce mercredi 18 septembre à Petit-Bourg. Ce projet, inscrit au budget investissement de la CANBT pour 260 000 euros, illustre la volonté de revitaliser le tissu économique de l’intercommunalité en soutenant les initiatives entrepreneuriales.
Guy Losbar, président de la CANBT, Adrien Baron, premier vice-président chargé du développement économique, et David Nébor, maire de Petit-Bourg, étaient présents pour cette inauguration. La présence de plusieurs autres élus locaux, dont Jeanny Marc maire de Deshaies, témoigne de l’importance que les représentants locaux veulent accorder à ce projet.
La région Nord Basse-Terre fait face à des défis structurels majeurs : chômage élevé, manque d’infrastructures, et économie fragile. La Maison des entreprises est une réponse à ces problématiques, même si à ce stade aucun plan clair pour stimuler la naissance d’entreprises à succès n’a été présenté.
Derrière l’enthousiasme des façades justes rénovées, affleurent les questions quant à la portée réelle de cet investissement et sa capacité à répondre aux enjeux économiques locaux.
Un beau bâtiment, mais quel impact ?
Après quelque huit mois de travaux et des péripéties liées aux marchés publics, la Maison des entreprises ouvre ses portes. Le bâtiment, situé en bord de mer à Petit-Bourg, se veut un point d’appui pour les porteurs de projets d’entreprises et d’associations implantées entre Goyave et Pointe-Noire.
Guy Losbar, président de la CANBT, indique que les conventions qu’il a signées avec les associations de l’économie sociale et solidaire (Guadeloupe initiative et France active Guadeloupe), les autorisent à dispenser leurs services de conseil sur le site. Un véritable plus selon lui.
Par ailleurs dix employés de la direction du développement économique transférés depuis le siège de la CANBT à Sainte-Rose, sont les gages des moyens humains et financiers investis pour que cet espace soit véritable levier pour l’économie locale.
La CANBT mise sur les financements européens, accessibles via les dispositifs Gal et Galpa (Groupe d’action locale pour la pêche et l’aquaculture), pour accompagner des porteurs de projets dans les domaines de l’économie verte et bleue. Guy Losbar met en avant les 2 millions d’euros de fonds européens mobilisés sur quatre ans pour soutenir cette dynamique.
Petit-Bourg, un choix stratégique ou partial ?
Le choix de Petit-Bourg comme lieu d’implantation de cette Maison des entreprises, relève-t-il d’une gestion partiale des fonds publics où les élus privilégient leur commune, plutôt que d’adopter une approche équitable au bénéfice de l’ensemble des communes de l’agglomération ?
C’est ce que laisse penser le discours de David Nébor. Le maire de Petit-Bourg, a justifié ce choix d’implantation en affirmant que la commune est le « poumon économique » de la CANBT en raison de son dynamisme entrepreneurial. « Petit-Bourg, avec ses nombreuses entreprises, a naturellement vocation à accueillir cette Maison des entreprises », a-t-il déclaré.
David Nébor a focalisé son discours inaugural exclusivement sur le développement économique de sa commune, et a été loin d’incarner « l’intérêt communautaire » – principe juridique qui doit guider les décisions de l’agglomération. Son argumentaire appuyé a semblé vouloir masquer l’iniquité d’un choix qui favorise une commune déjà privilégiée par sa position stratégique.
Petit-Bourg, qui compte 1 681 entreprises actives, est idéalement située à la périphérie immédiate de Baie-Mahault, véritable moteur économique de la Guadeloupe avec 6 274 entreprises. De plus, elle se trouve à proximité des deux autres pôles majeurs que sont Les Abymes (3 301 entreprises) et Pointe-à-Pitre (3 102 entreprises). Ce contexte confère à Petit-Bourg une position géographique avantageuse, lui permettant de profiter du dynamisme des communes voisines sans nécessiter de nouvelles infrastructures pour consolider son développement économique.
De leur côté, les communes du nord de l’agglomération, Sainte-Rose, Deshaies, Lamentin et Pointe-Noire, qui totalisent à elles quatre 57 % des entreprises actives de la CANBT, ne bénéficient pas du même contexte. Ces communes luttent pour leur développement économique, sans les mêmes « vents porteurs » dont profite Petit-Bourg. L’arbitrage de la CANBT en faveur de cette dernière peut donc sembler manquer de solidarité territoriale.
Le rôle de Guy Losbar, président de la CANBT, ancien maire et toujours conseiller municipal de Petit-Bourg, ajoute à la controverse. Son double positionnement, en tant que président de l’agglomération et élu de Petit-Bourg, et son poids de président du Département, renforce l’idée d’un conflit d’intérêts latent.
Ginette Samson, présidente de la commission valorisation et rééquilibrage du territoire au conseil régional, a exprimé sa satisfaction de voir Petit-Bourg accueillir la Maison des entreprises. Toutefois, elle a évité de mentionner un point essentiel : le concept de rééquilibrage territorial, qu’elle-même est censée défendre, semble pâtir de ce choix.
Les porteurs de projets visés par ces initiatives sont souvent éloignés des centres économiques dynamiques. Ils créent des entreprises de proximité, ancrées dans les sections rurales et inspirées par les identités locales, loin de la périphérie prospère de Petit-Bourg. Pour l’objectif de soutien aux territoires qui peinent à se développer il faudra donc repasser.
Soutenir les carrières dans le secteur privé
« C’est une belle initiative pour toutes ces personnes qui veulent monter une entreprise. Car je le dis souvent, l’emploi n’est plus dans le domaine public. Il ne faut plus penser à cela. Il faut oublier ça », a déclaré Adrien Baron lors de son discours inaugural.
Le vice-président de l’agglo et maire de Sainte-Rose appelle à une transformation profonde du modèle d’emploi en Guadeloupe, affirmant que les collectivités ne peuvent plus absorber la masse des demandeurs d’emploi. « Il y a des efforts qui sont faits par les collectivités qui servent d’amortisseur social au pays, mais dites-vous bien qu’aujourd’hui si nous voulons que ce pays puisse se développer, il faut qu’il y ait un accroissement important de l’activité économique » a-t-il martelé.
Si le message semble clair, la réalité est plus complexe. L’idée que le secteur privé devienne le véritable moteur de l’emploi et de l’économie est ambitieuse, mais encore faut-il que les conditions soient réunies pour l’encourager. L’écart de rémunération entre le secteur public et le secteur privé en Guadeloupe, est amplifié par une prime de 40 % dans les fonctions publiques pour compenser le coût élevé de la vie.
De quoi décourager l’esprit d’initiative et d’entrepreneuriat. Pourquoi prendre des risques dans le secteur privé, où les rémunérations sont souvent inférieures, quand un poste stable et bien payé dans le public paraît plus accessible et plus sûr ?
Un pari à évaluer
La Maison des Entreprises de la CANBT se présente comme un enjeu crucial pour le développement économique du Nord Basse-Terre. Bien que les ambitions affichées soient élevées, leur mise en œuvre concrète et les ressources mobilisées sont soumises à l’évaluation des électeurs. Ces derniers ont la responsabilité de juger l’efficacité de la politique économique menée en leur nom, et financée par le trésor public intercommunal et européen.
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