Les 26 et 27 avril 2024, les autorités coutumières des huit aires étaient réunies à l’initiative du Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie au centre culturel Tjibaou. Une réunion pour célébrer les 10 ans de la charte du peuple kanak, en dresser le bilan et fixer une nouvelle feuille de route. Photo : FB Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’État dimanche soir, à la suite des élections européennes qui ont vu l’extrême droite française devancer le parti présidentiel, a pour effet immédiat de suspendre de nombreux travaux parlementaires, tels que la loi sur la fin de vie, la réforme de l’assurance-chômage, ainsi que deux projets de loi concernant Mayotte et la réforme constitutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie.

Concernant l’adoption du projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral – – gelé depuis 2007 – en Nouvelle-Calédonie, certaines sources affirment que le Président de la République avait prévu d’officialiser son retrait cette semaine.

En conférence de presse ce mercredi 12 juin, Emmanuel Macron a éludé le fait que c’est la dissolution de l’Assemblée annoncée le 9 juin et l’impossibilité de réunir le Parlement en Congrès à Versailles afin d’adopter les projets de loi votés par le Sénat le 2 avril et l’Assemblée le 14 mai, qui gèlent le processus.

Le président de la République a donc tordu le bras à la vérité en affirmant « […] j’ai décidé de le suspendre [le projet de loi constitutionnelle] parce qu’on ne peut pas laisser l’ambiguïté dans la période ». Emmanuel Macron évoque donc plutôt une décision libre et motivée par une volonté d’apaisement.

Neuf morts

Le projet de réforme avait déclenché depuis le 13 mai des soulèvements sans précédent depuis les années 1980 en Nouvelle-Calédonie. Il prévoit d’inclure chaque année sur les listes électorales des scrutins provinciaux, les natifs et résidents arrivés depuis 10 ans. Ainsi, les personnes installées dans l’archipel en 2020 pourront voter à partir de 2030, au risque de marginaliser le peuple autochtone kanak, accusent les indépendantistes.

Neuf morts, des centaines de blessés et plus d’un milliard de dégâts sont à déplorer selon le dernier bilan officiel. Lors de sa visite éclaire le 24 mai, Emmanuel Macron avait accordé un délai jusqu’à début juillet pour apaiser les tensions et relancer le dialogue.

Depuis cette visite, les indépendantistes avaient fait savoir qu’ils ne démordaient pas sur le retrait du dégel du corps électoral. Une partie des non-indépendantistes, plus centristes, avaient réclamé une déclaration claire actant le retrait de cette réforme pour favoriser un climat de discussion plus serein. Le Président devait selon nos sources annoncer ce retrait cette semaine.

« Il est très, très urgent […] de retrouver un climat d’apaisement, que les barrages se lèvent, qu’on retrouve les fils d’un dialogue », a déclaré à l’AFP le député macroniste sortant Philippe Dunoyer, candidat à sa réélection dans la 1ère circonscription de Nouvelle-Calédonie. « La priorité absolue, ce n’est pas de faire campagne […], c’est de rétablir la paix » a-t-il ajouté.

Alain Christnacht, conseiller d’État et artisan des accords de Matignon et de Nouméa, analyse que « la dissolution met fin au projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie tel qu’il a été voté par les deux chambres, puisque son article 2 fixe une date limite d’application au 1er juillet ». Avec le second tour des législatives prévu le 7 juillet, il sera impossible de réunir le Parlement avant cette date.

Après le 7 juillet, « le Congrès ne pourra pas voter un texte avec une limite fixée au 1er juillet. Il faudra éventuellement tout revoter dans les deux chambres, car le Congrès ne peut pas modifier un texte déjà voté par les deux chambres », conclut-il.

« Nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle », a écrit dans un communiqué diffusé ce mercredi 12 juin le Parti de libération kanak (Palika). Le mouvement indépendantiste appelle à « lever les barrages et les blocages ». Les Kanaks n’ont jamais renoncé à leur identité et souveraineté et enjoignent la France à respecter son engagement de reconnaissance de la centralité du peuple premier dans le processus de décolonisation et d’autonomisation de l’archipel. En avril 2024, les autorités coutumières des huit aires s’étaient réunies à l’initiative du Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie au centre culturel Tjibaou, pour célébrer les 10 ans de la « charte du peuple kanak », en dresser le bilan et fixer une nouvelle feuille de route (photo d’ouverture et ci-dessous).

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