Le directeur des archives départementales de Guadeloupe, Benoît Jullien (à gauche photo ci-dessus), a accueilli le 29 mai Bertin Calixte Biah (à droite, photo), directeur du musée d’histoire de Ouidah au Bénin, lors d’une visite des archives à Bisdary, Gourbeyre. Une délégation d’élus départementaux, incluant Michel Mado, président de la commission culture du Département, ainsi que Brigitte Rodes (Basse-Terre) et Jimmy Fausta (Trois-Rivières), les accompagnait.
Quelques jours auparavant, le 25 mai, la commune de Vieux-Habitants et le Relais inter-entreprises (RIE) avaient organisé une conférence-débat sur la place Teddy Riner. Cet événement, sous le patronage de Calixte Biah, s’inscrivait dans la politique d’animation du territoire. Monsieur Biah, invité d’honneur du RIE, faisait à cette occasion sa première apparition en Guadeloupe. Son déplacement, financé par Vieux-Habitants avec l’aide du conseil départemental, témoignait de l’importance accordée à cette rencontre.
C’est une dépense de 40 786,37 euros qui avait été prévue, votée à l’unanimité par le conseil municipal le 13 avril 2024. Un budget qui incluait 3 000 euros pour le déplacement du Béninois. La non-réalisation de certaines animations et supports de communication a amené à réviser ce budget à la baisse. Le Département a contribué à hauteur de 15 000 euros à la réalisation de cet événement.
Le débat du 25 mai, inscrit dans le cadre du Mai habissois, visait à valoriser le patrimoine, les associations et la culture de Vieux-Habitants. L’arrivée du RIE, accompagnée par Calixte Biah, était l’apothéose de ce mois de célébrations. Choisi par son pays pour superviser la restitution de 26 trésors pillés par la France, Calixte Biah a présenté une conférence intitulée « Les séquelles de l’esclavage dans la société béninoise ».
Le choix du thème a surpris certains participants, qui espéraient aborder les séquelles locales de l’esclavage. Malgré les efforts de la modératrice pour recentrer le débat, les discussions ont naturellement dérivé vers des parallèles entre les séquelles béninoises et celles vécues par les Guadeloupéens. Calixte Biah, avec diplomatie, a tenté de répondre aux interrogations.
Interrogé sur le Mémorial Acte, centre caribéen d’expressions et de mémoire de la Traite et de l’Esclavage, Monsieur Biah a déclaré : « L’infrastructure est de grande qualité. Le contenu nous rappelle ce qui s’est passé. Aujourd’hui, au Bénin, nous suivons une politique de décolonisation du récit, qui nous oblige à évacuer certains préjugés pour révéler notre véritable identité et aspirations. La scénographie doit refléter l’histoire réelle de la Guadeloupe. »
Pendant les deux heures de la conférence, les participants ont partagé des histoires et des émotions. Une soixantaine de personnes ont assisté à l’événement, parmi lesquelles des figures publiques telles que le député Elie Califer, Brigitte Rodes, Marie-Yveline Ponchateau, maire de Baillif, et Valérie Séné, future directrice générale du Port autonome de Guadeloupe qui quitte la direction du parc national de Guadeloupe et est annoncée dans ses nouvelles fonctions le 15 juin.
Harry, un habitant de Vieux-Habitants, a exprimé son ressenti : « Je me sens profondément africain. Je suis né, j’ai grandi et j’habite à Vieux-Habitants, mais je me sens profondément africain. Nous vivons les séquelles de l’esclavage au quotidien, souvent à travers une opposition entre Noirs et Blancs. J’aurais souhaité que le professeur explore davantage notre africanité, car beaucoup ici n’acceptent pas leur héritage africain. » Vêtu de vêtements traditionnels africains, Harry a pris plusieurs fois la parole, ému de pouvoir partager ses connaissances.
Éric, un autre participant, a pris la parole pour souligner : « Vous avez dit, dès l’ouverture de ce débat, que vous vous sentez chez vous. Laissez-moi vous dire Monsieur, vous n’êtes ni en Afrique, ni au Bénin ici. Nous sommes en Guadeloupe. Me concernant, je suis un nationaliste guadeloupéen d’origine africaine alors je vous le dis : « Bienvenue en Guadeloupe ! ». À cela, Calixte Biah a répondu : « J’aime les gens qui sont francs. Cela nous rend libres et responsables. Pour vous répondre. Je n’ai jamais dit que les Guadeloupéens n’étaient pas Guadeloupéens. Au contraire, soyez fiers de l’être car je suis fier d’être un Béninois. »
Frédéric Otto, deuxième adjoint au maire chargé de la communication et de la modernisation de l’administration, a conclu le débat en soulignant que le chemin est encore long à parcourir, tant les séquelles sont vivaces.
Une grande partie des Africains déportés en Guadeloupe et réduits en esclavage venaient du Bénin. La rencontre entre les deux communautés, bien que complexe, ouvre des perspectives pour une meilleure compréhension mutuelle et la valorisation de cette histoire partagée.
Poster un commentaire