Parlement européen à Strasbourg (Bas-Rhin).

Les 720 députés membres du Parlement européen, représentant les 450 millions d’habitants des 27 États membres de l’Union européenne, seront soumis au verdict des « peuples souverains » appelés aux urnes du 6 au 9 juin. La Guadeloupe vote ce samedi 8 juin, avec un jour d’avance sur l’Hexagone, pour sélectionner les 81 eurodéputés français.

En 2019, avec 12,43 % de bulletins exprimés, soit près 9 citoyens sur 10 qui avaient boudé les urnes, l’archipel disait le peu de cas fait de ce scrutin. C’était pire en 2014, où 8,59 % de voix s’étaient exprimées sur 306 793 électeurs inscrits. Ni les campagnes de communication Léwop sé nou osi, ni les panneaux qui précisent que le moindre investissement public local (et nombre d’investissements privés) est réalisé avec des fonds européens, ni les enjeux du travail législatif européen – à l’impact réel et parfois fortement perçu, comme en témoignent les débats autour des niveaux de chlordécone, du maintien de la fiscalité de l’octroi de mer – n’amène le territoire à montrer une meilleure humeur démocratique.

Un peu comme s’il était impossible que la démocratie vacille, et avec elle le droit de vote. Interrogé sur sa citoyenneté, Adrien, dix-huit ans explique dans notre article publié aujourd’hui que pour lui « c’est surtout une expérience nouvelle que de devenir un vrai citoyen. Et tant qu’on n’a pas exercé ce devoir citoyen ce n’est pas concret ».

Scrutin européen, mode d’emploi

Les élections se joueront en un seul tour, sur une circonscription unique pour toute la France, par scrutin de liste à la proportionnelle. Au total, 38 listes de 81 candidats ont été déposées en France, soit un total de plus de 3 000 candidats.

Les programmes des 38 listes sont en ligne sur le site du gouvernement, voir les programmes.

Les nouveaux élus commenceront leur mandat le 16 juillet, à Strasbourg (Bas-Rhin).

Les thématiques de campagne

Écologie, immigration, institutions… Voici ce que défendent les principales listes aux élections européennes du 9 juin.

Europe puissance contre Europe des États

À part quelques listes créditées de peu de suffrages selon les sondages (François Asselineau, Florian Philippot), peu de listes défendent la sortie de l’Union, ou « Frexit ». Le RN veut affaiblir les institutions européennes au profit d’une coopération entre États.

LR voudrait remettre en cause la primauté du droit européen sur le droit national – au cœur de la construction européenne – notamment en matière d’immigration.

Dans les listes proeuropéennes, la majorité et le PS défendent une « souveraineté européenne » ou une « Europe puissance ».

Les écologistes, qui prônent une intégration poussée et assument le mot fédéral, sont favorables à la fin du droit de veto des États sur la fiscalité ou la politique étrangère.

Toutes ces propositions institutionnelles nécessiteraient une révision des traités européens qui requiert un accord puis une ratification unanime des 27 États membres.

Peu d’enthousiasme pour l’élargissement

Les communistes et LFI refusent tout élargissement à l’Ukraine et aux Balkans, voire à la Georgie, par crainte d’un dumping social.

LR, Reconquête et RN s’opposent également à l’adhésion de l’Ukraine qui « ruinerait l’agriculture française ».

Renaissance, le PS et les Verts défendent la poursuite de l’élargissement au mérite, mais en le conditionnant à une réforme du fonctionnement des institutions de l’UE pour éviter la paralysie.

Immigration, marqueur à droite

Le RN veut réserver la libre circulation de l’espace Schengen aux seuls ressortissants communautaires en l’interdisant pour les étrangers même en situation légale. Marion Maréchal Le Pen veut un blocus naval contre l’immigration en Méditerranée.

LR veut construire des barrières physiques à l’est de l’Europe. Ces partis défendent également une externalisation des demandes d’asile hors de l’UE.

Renaissance défend le pacte asile et immigration récemment adopté par l’UE, qui prévoit une procédure de filtrage des demandes d’asile aux frontières de l’UE et une solidarité dans la répartition des demandeurs d’asile.

LFI souhaite au contraire abroger le pacte asile-immigration qui provoque selon elle « une augmentation de la rétention aux frontières, l’affaiblissement du droit d’asile et une accélération de l’externalisation de la politique migratoire ».

Pour réduire les flux d’immigration illégale, la gauche milite pour des voies d’immigration légale dans l’UE, pour certains en fonction des besoins de l’économie européenne.

Commerce : haro sur le libre-échange

Le Mercosur, accord commercial négocié depuis 1999 entre l’UE et quatre pays d’Amérique du Sud, et la ratification du Ceta, accord de libre-échange entre l’UE et le Canada, réunissent une large majorité contre eux.

Dans le sillage de Manon Aubry et Léon Deffontaines qui réclament la fin des accords de libre-échange, toute la gauche demande un « protectionnisme environnemental et social. Même le LR François-Xavier Bellamy se dit « hostile aux accords de libre-échange ».

Seul le parti présidentiel à faire du cas par cas, s’opposant au Mercosur mais défendant la ratification du Ceta.

Ukraine, Gaza, sujets à vif

Le soutien à l’Ukraine, avec en corollaire les investissements massifs pour soutenir la défense européenne, a été au cœur des campagnes de Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer.

Sur la défensive en raison de la proximité passée du RN avec la Russie, Jordan Bardella a dénoncé « une dérive » de l’UE qui, en diplomatie ou défense, « tente de s’arroger les prérogatives des États ».

Le débat a été aussi vif à gauche, Raphaël Glucksmann se faisant traiter de « va-t-en-guerre » par LFI et les communistes.

LFI a fait de Gaza un sujet important de sa campagne. La gauche a réclamé la suspension des accords d’association entre l’UE et Israël tout comme la reconnaissance immédiate de l’État palestinien, ce que rejettent la droite et l’extrême droite.

Le Pacte vert sur la défensive

Le Pacte vert, la feuille de route de l’UE pour atteindre la neutralité carbone en 2050, est dans le viseur de LR et du RN qui veulent revenir sur l’interdiction de la vente des véhicules thermiques neufs en 2035, défendue par le parti présidentiel et la gauche.

Renaissance propose un plan d’investissements de 1 000 milliards d’euros jusqu’en pour produire 10 millions de véhicules propres ou un avion vert européen.

Le PS veut « créer un fonds souverain européen investissant 200 milliards par an dans les industries de la transition écologique ».

Europe écologie veut « faire de la protection de la biodiversité, du climat et de la santé une norme juridique supérieure contraignante ». Concernant l’énergie, elle souhaite « reprendre en main les entreprises du pétrole et du gaz ».

LFI souhaite « passer au 100 % énergies renouvelables à l’horizon 2050 ».

Agriculture

LR se veut le champion des agriculteurs, défendant même une hausse du budget de la Politique agricole commune, principal poste de dépenses dans l’UE.

Le RN veut renationaliser la PAC mais rejoint LR dans la dénonciation des normes environnementales imposées aux agriculteurs.

La rémunération minimale des agriculteurs est un argument de campagne des quatre listes à gauche.

Europe écologie veut une PAC « plus verte » qui rémunère « les travailleurs plutôt que les hectares ». Renaissance voudrait faire adopter l’équivalent de la loi française Egalim pour protéger les producteurs.

Fiscalité, social, société

Le PS et LFI veulent taxer les superprofits des grandes entreprises.

Le parti présidentiel préfère une taxation au niveau de l’OCDE.

Les Écologistes proposent un ISF climatique.

Au contraire, la droite et l’extrême droite s’opposent à tout impôt européen, qui nécessite un accord unanime des 27.

La gauche met en avant le social – comme l’indexation des salaires sur l’inflation par LFI – mais c’est avant tout une compétence des États membres. C’est aussi le cas des questions sociétales, comme l’interdiction de la GPA demandée par Reconquête.

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