Façade entrée de l'hôtel de Région Guadeloupe. Photo : DR

Dans l’affaire du dépassement du compte de campagne des régionales 2015 d’Ary Chalus, un prévenu a été relaxé, les quatre autres ont écopé de peines d’inéligibilité, de prison avec sursis et d’amendes.

Selon les informations recueillies par Le Courrier de Guadeloupe, outre l’actuel président de Région Ary Chalus qui avait annoncé sa décision de faire appel dès le prononcé du jugement, Fred Pie Victor Eustache, Georges Daubin, Dominique Descombes, le mandataire judiciaire de l’Alliance baie-mahaultienne, le procureur Xavier Sicot ont eux aussi fait appel.

Fred Madinécouty, le Parti socialiste de Guadeloupe (PS) et Victorin Lurel n’ont pas fait appel de la décision du tribunal correctionnel de Basse-Terre intervenue le 12 janvier dernier.

Les intérêts derrière les différentes positions

Comme il fallait s’y attendre, relaxé, Fred Madinécouty n’avait aucun intérêt à faire appel. Quant au PS et Victorin Lurel, ils peuvent estimer avoir obtenu gain de cause et se contenter de ce verdict.

Le mandataire judiciaire de l’Alliance baie-mahaultienne, dont l’identité n’est pas publique, qui a été désigné à l’occasion du procès et est désormais garant des intérêts de l’association, a fait appel. Il peut espérer des dommages et intérêts, mais qui paiera ?

Dominique Descombes, employé municipal à Baie-Mahault, mandataire financier et trésorier de l’association Alliance baie-mahaultienne au moment des faits, a fait appel. Celui qui n’a cessé de soutenir que c’est Ary Chalus qui coupait et hachait, espère que la cour d’appel le jugera non coupable, ou lui infligera une peine moins sévère.

Georges Daubin 3e adjoint au maire de Baie-Mahault, conseiller communautaire de la communauté d’agglomération Cap excellence, administrateur représentant Baie-Mahault à la société publique locale Cœur d’énergie, président du Syndicat mixte des transports du petit cul-de-sac marin (SMT) qui gère les bus Karulis, avait gros à perdre. Il y a certes sa demande de voir annuler les peines qui lui ont été infligées. Il y a aussi les mandats qu’il aurait perdus ipso facto s’il n’avait pas fait appel, ainsi que les émoluments qui peuvent y être attachés.

Il en va de même pour Fred Eustache qui dirigeait l’association Alliance baie-mahaultienne en qualité de président délégué et qui est conseiller municipal à Baie-Mahault et deuxième vice-président du Syndicat mixte d’électricité de la Guadeloupe (Symeg).

Xavier Sicot, procureur de la République appelé à représenter les intérêts de la société, a lui aussi fait appel. Conteste-t-il l’analyse juridique formulée quant à l’application de la loi de 2017 qui prononce l’automaticité de l’inéligibilité en cas de dépassement des comptes de campagne ? Xavier Sicot avait estimé que cette loi ne s’appliquait pas, eu égard au principe de la non-rétroactivité de la loi lorsqu’elle est plus sévère.

Dans son jugement, la présidente du tribunal, Akoélé Dartey-Deneken, s’est basée sur la date de paiement de la dernière facture des prestations (25 juin 2018) pour déterminer le moment de l’infraction et ainsi appliquer à Ary Chalus et ses co-condamnés, la loi de 2017. Xavier Sicot cherche-t-il à démonter l’inexactitude de cette analyse juridique ? Il faudra attendre l’appel pour le savoir.

Les 23 mandats d’Ary Chalus

Dès après la lecture du jugement, l’avocat d’Ary Chalus a évoqué l’existence de fausses factures qu’il aurait découvertes et qu’il impute nominativement à un tiers. Outre le fait que ces accusations, si elles sont fausses, relèvent de la diffamation, le jugement de première instance a écarté en préliminaire tous les arguments de fausses factures ou de prestations non réalisées alléguées par Ary Chalus.

« Si les factures sont fausses ou les prestations non réalisées, les faits sont encore plus graves. Cela signifie qu’il n’existe aucun contrôle du candidat et de son équipe de campagne sur les factures présentées et leur paiement et que cela interroge sur la sincérité du compte de campagne » précise le jugement.

L’actuel exécutif du conseil régional espère-t-il faire prospérer cet argument en appel ? Outre sa demande de voir annuler les peines qui lui ont été infligées, le président de Région est celui qui détient le plus grand nombre de mandats, qu’il aurait perdus ipso facto s’il n’avait pas fait appel, ainsi que les émoluments qui peuvent y être attachés.

Ary Chalus a pour mandat historique et toujours en cours celui de conseiller municipal à Baie-Mahault. L’ancien maire garde un œil sur les affaires communales et est également 1er vice-président de la communauté d’agglomération Cap excellence. Mais son mandat le plus important est celui de président du conseil régional de Guadeloupe. Une position qui depuis 2015 permet à Ary Chalus d’être membre de droit ou de se porter candidat à de nombreuses fonctions.

Le président du conseil régional Ary Chalus (au milieu à gauche) ainsi que le maire des Abymes et président de la communauté d'agglomération Cap excellence Éric Jalton (en face, au milieu à droite), se sont rencontrés avec leurs équipes respectives vendredi 10 novembre 2023, à l’Espace régional du Raizet pour « faire le point sur les grandes priorités du territoire de Capex ». Photo : FB Région Guadeloupe
Le président du conseil régional Ary Chalus (au milieu à gauche) ainsi que le maire des Abymes et président de la communauté d’agglomération Cap excellence Éric Jalton (en face, au milieu à droite), se sont rencontrés avec leurs équipes respectives vendredi 10 novembre 2023, à l’Espace régional du Raizet pour « faire le point sur les grandes priorités du territoire de Capex ». Photo : FB Région Guadeloupe

C’est ainsi qu’il cumule la vice-présidence du Comité du tourisme des îles de Guadeloupe (CTIG), la présidence du conseil d’administration du Mémorial acte, le mandat d’administrateur de Guadeloupe formation et administrateur du Centre de ressources, d’expertise et performance sportive (Creps).

Ary Chalus s’est également porté président de la commission des investissements du Grand port maritime de Guadeloupe. Il est titulaire au comité syndical du Syndicat mixte des transports. Il est aussi suppléant (de Fred Eustache) au comité syndical de l’électricité Symeg. Titulaire au Syndicat de valorisation des déchets (Syvade).

Le président de Région est par ailleurs membre de droit au sein d’institutions. Il est donc tenu d’y fournir un travail conséquent, de se tenir informé, engagé, prêt à exercer son jugement et agir, au même titre que les autres titulaires et suppléants.

C’est le cas au Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), à Routes de Guadeloupe, au Centre d’imagerie moléculaire Cimgua Cyclotron, à l’Établissement public foncier, au Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Crefop), au Comité d’orientation stratégique et de développement agricole (Cosda), à la Commission départementale de la coopération intercommunale, à la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), à la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État Outre-mer (CNEPEOM), à la Conférence des présidents des régions ultrapériphériques (Rup) de l’Union européenne.

À cela s’ajoute le fonds européen Interreg Caraïbes VI 2021-2027 dont la Région, et donc son exécutif Ary Chalus, est chef de file. Il siège également au conseil des ministres de l’Association des États de la Caraïbe dont la Guadeloupe est membre associé.

Le président de Région s’était aussi désigné pour siéger à l’Office de l’Eau, mais n’étant pas représentant de l’Office de la biodiversité, sa candidature a été invalidée.

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