Le gouvernement de Michel Barnier a été présenté samedi 21 septembre. François-Noël Buffet, avocat de profession et membre du parti Les Républicains, est nommé ministre des Outre-mer. Sénateur du Rhône, président de la commission des lois au Sénat et conseiller communautaire à la métropole de Lyon, il est salué par ses partisans comme une figure du consensus. François-Noël Buffet est identifié par ses prises de position très conservatrices, notamment sa participation aux manifestations de « La Manif pour tous » contre le mariage homosexuel et son abstention en début d’année sur la constitutionnalisation de l’IVG.
Spécialisé sur les questions migratoires, François-Noël Buffet depuis son poste à la présidence de la prestigieuse commission des lois du Sénat, a joué un rôle central dans le durcissement de la loi immigration. Avec un succès relatif, la disposition visant à accroître la limitation le droit du sol à Mayotte a été invalidée par le Conseil constitutionnel.
Parmi les propositions notables de François-Noël Buffet figure la possibilité pour l’État de suspendre temporairement les réseaux sociaux. « Il faut établir un cadre de blocage de certaines fonctionnalités, sous des conditions strictes, pour reprendre le contrôle », déclarait-il en avril dernier, lors de la présentation du rapport d’enquête sénatoriale lancé après les émeutes de 2023 suite à la mort de Nahel Merzouk, 17 ans, tué lors d’un refus d’obtempérer.
La sénatrice PS de Seine-Saint-Denis, Corinne Narassiguin, présente à la conférence de presse, mettait en garde sur la nécessité de préserver les libertés publiques : « Il y a un travail d’équilibre à faire, cela ne passerait pas le Conseil constitutionnel si on allait trop loin. » À peine un mois plus tard, en mai, cette proposition a été appliquée en Nouvelle-Calédonie, où l’accès à TikTok a été bloqué en raison de son utilisation lors des violences urbaines. Saisi, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté la demande de suspension du blocage, estimant que « l’intérêt public lié au rétablissement de la sécurité et de la tranquillité publiques » prévalait en l’absence de preuves de conséquences immédiates pour les associations requérantes.
François-Noël Buffet a corédigé un rapport d’information sénatorial sur la place des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) dans la région Caraïbe ainsi que sur l’insécurité à Mayotte. En dehors de ce bref contact avec les territoires ultramarins, il reste inconnu en Outre-mer et ne peut être considéré comme un spécialiste des défis locaux.
À la différence de ses trois prédécesseurs depuis le second quinquennat d’Emmanuel Macron, le ministère des Outre-mer sera directement rattaché au Premier ministre, comme ce fut le cas entre 2012 et 2022 sous François Hollande puis Macron I. Cette décision fait écho aux revendications de nombreux députés ultramarins, qui avaient adressé une lettre au chef du gouvernement pour réclamer ce changement.
Olivier Nicolas, secrétaire fédéral du Parti socialiste en Guadeloupe, dans un communiqué du 21 septembre considère que la nomination de François-Noël Buffet « n’offre qu’une seule satisfaction : la fin du rattachement de ce ministère au ministère de l’Intérieur qui depuis le début du second quinquennat Macron 2022 sonne comme une relégation et une réduction des problématiques ultramarines aux problèmes d’ordre public ». Mais Olivier Nicolas souhaite aussi que « le rattachement au Premier ministre se traduise par une implication très forte de ce dernier dans les lourds dossiers ultramarins qui figurent parmi les urgences politiques de la période. »
La nomination de plusieurs ministres au profil très à droite dans le gouvernement Barnier suscite la controverse. Aux côtés de François-Noël Buffet, c’est notamment le cas de Bruno Retailleau, nouveau ministre de l’Intérieur, dont les propos sur la colonisation française en Afrique avaient provoqué des réactions vives. Interrogé par Sud Radio le 12 septembre 2023, il déclarait : « La colonisation, ce sont bien entendu des heures sombres, mais aussi des heures belles, avec des mains tendues ».
Une affirmation outrageante dans un contexte où, à l’inverse de pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, qui ne minimisent plus les atrocités coloniales et entreprennent des démarches de réparation, la droite française rejette ce qu’elle nomme « repentance », et attise les tensions autour de la question coloniale et du débat mémoriel.
Au-delà du décalage entre ses positions politiques droitières et celles majoritairement à gauche des territoires ultramarins qui relèvent de son portefeuille ministériel, François-Noël Buffet devra faire face à un défi majeur : la gestion du budget alloué aux Outre-mer dans la loi de finances 2025. Le sénateur Victorin Lurel soutient qu’en plus de la réduction de 78,8 millions d’euros annoncée en février dernier, une nouvelle coupe budgétaire de 200 millions d’euros serait envisagée.
L’Outre-mer, avec le ministère du Travail, serait l’un des secteurs les plus touchés par ces restrictions. Une telle perspective compromettrait les avancées attendues sur des dossiers cruciaux comme la mise en œuvre de l’autonomie en Nouvelle-Calédonie, l’accès à l’eau potable pour tous en Guadeloupe, la lutte contre la vie chère et le chômage de masse partout.
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