Alex Lollia est professeur de philosophie à la retraite. Il est aussi membre fondateur du syndicat Centrale des travailleurs unis (CTU). Citoyen du Gosier, il fait partie de l’équipe qui a mené campagne aux côtés de Cédric Cornet lors des élections municipales de 2020. Alex Lollia était présent (photo ci-dessus) au soir de l’élection de Liliane Montout le 2 avril. Il dresse un portrait sévère de Cédric Cornet et juge encore plus durement sa gestion. Alex Lollia appelle Liliane Montout à dire toute la vérité, et à changer de cap. Interview.
Le Courrier de Guadeloupe : Cédric Cornet est décédé le 21 mars chez lui, par asphyxie en raison d’une obstruction alimentaire selon l’autopsie réalisée. Vous avez contribué à son élection en 2020 en tant que maire du Gosier. Comment jugez-vous son parcours ?
Alex Lollia : Catastrophique pour l’image de la ville et l’intérêt général des citoyens du Gosier. Avant la campagne 2020 des municipales, je n’avais jamais vu Cédric Cornet. Je ne le connaissais pas. Un ami, Max Mollia, qui faisait partie de son équipe m’a demandé d’accompagner Cornet pendant la campagne. Dès notre première rencontre, j’ai compris que quelque chose clochait chez Cornet. Max, m’avait demandé de le coacher sur ses prises de parole, sur la communication. J’ai dit à Max son problème ce n’est pas la prise de parole. C’est veiller à ce qu’il ne parle pas sans arrêt. Il parle trop, et il dit des inepties.
J’ai continué à participer à la campagne parce que je suis du Gosier. Et puis sa compagne a été mon élève. Cela créait une passerelle. Et puis on a toujours espoir de voir le candidat s’améliorer. Ce fut ma grande erreur. Il faut dire que l’élection de Cédric Cornet intervient dans des circonstances particulières. Les héritiers de Dupont et de Gillot, incapables de s’entendre, se sont déchirés. La population s’est dit que s’ils avaient eu un projet pour Gosier, ils auraient trouvé un terrain d’entente. Ils ont été incapables de s’entendre. Cela signifiait que chacun voulait défendre sa gamelle. Le peuple s’est dit nous donnons la gamelle à celui qui a vraiment faim. Il a élu Cornet.
À quel moment avez-vous rompu avec Cédric Cornet ?
Alex Lollia : Cornet a été élu le 7 juillet 2020. Nous avons eu des problèmes trois semaines plus tard. Je l’avais croisé d’abord dans une BMW blanche et quelques jours plus tard dans une Mercedes de luxe. Je lui ai dit : Je pense que tu sais que je sais d’où tu viens. Donc je crois que la corruption a déjà commencé. Avant d’être élu, Cornet touchait le RSA. J’ai demandé dans la foulée au doyen Lucien Zami d’organiser une réunion avec la majorité municipale. À cette réunion, j’ai déclaré : Je suis venu librement. J’ai aidé. Je repars librement. Mais je vous préviens que si vous suivez Cédric Cornet vous finirez tous à Fond Sarail. Tout le monde était à cette réunion. Sauf Madame Kancel Murat qui était à Paris. Tous les autres peuvent témoigner de cette réunion. Cela se passe juste après la rentrée scolaire 2020 début septembre.
Vous estimez qu’il s’est enrichi depuis qu’il est maire et président de la Carl. Sur quels fondements ?
Alex Lollia : Je n’estime pas. Je dis qu’il s’est enrichi de façon éhontée. Cédric Cornet a fait campagne sur le thème d’une municipalité bénévole. Ce qui lui a valu d’ailleurs des ennuis avec sa majorité. Puisque lui n’était pas bénévole du tout. Il percevait les indemnités de président de la Carl (Communauté d’agglomération Riviera du levant, N.D.L.R.), de membre du conseil d’administration du Symeg (Syndicat d’électricité, N.D.L.R.), de président de Sinnoval (Syndicat des déchets, N.D.L.R.), du SMT (Syndicat des transports), de conseiller régional.
Il avait fait les élus de la Carl lui voter 30 000 euros de frais de représentation annuelle et le conseil municipal lui avait octroyé 20 000 euros au même titre. Supporter de l’Olympique lyonnais, il allait aux frais de la mairie regarder les matchs disputés par son équipe, et aux États-Unis voir des matchs de basket NBA. Sur le livre de compte de la ville que nous avons consulté figure l’achat de repas et autres articles pour lui et sa cour. Aujourd’hui il faut s’interroger sur la fortune actuelle de Cédric Cornet et sur tout ce qu’il a acquis depuis qu’il a été élu. Je crois que la folie des grandeurs l’a emporté.
Il y avait bien une opposition à la mairie qu’a-t-elle fait ? Qu’a-t-elle dit ?
Alex Lollia : Après l’élection de Cédric Cornet il n’y a pas eu d’opposition. Il y avait Cédric Cornet et lui seul. Aux différents conseils, c’est lui qui posait les questions auxquelles il répondait lui-même. Il était le seul à répondre à ses rêves. L’opposition était inopérante. Nous avons une classe politique faible. Elle est ignorante des problèmes dont elle a la charge. C’est vrai au niveau municipal, départemental, régional, sénatorial et au niveau des députés. La fonction d’élu s’est transformée en un métier dans lequel on peut – dans la tête de certains — s’enrichir. Il y a une vraie perte de valeurs et d’équité. On ne peut établir aucune comparaison entre un député d’aujourd’hui, et un Rosan Girard qui était un penseur de l’avenir de la Guadeloupe. Il n’y a pas que Girard. Il y a eu Rémy Nainsouta, Paul Valentino, Hégésippe Légitimus, Achille René-Boisneuf.
Il aurait peut-être fallu dénoncer tout cela du vivant de Cédric Cornet. On peut penser que vous crachez sur un mort ?
Alex Lollia : Il ne faut jamais cracher sur quiconque. Le débat politique ne doit jamais tourner en cancans. L’injure ou le dénigrement n’est jamais un argument. Je m’en garderai toujours. Il faut prendre le temps de l’analyse, de l’explication patiente si on veut élever les consciences. Mais il faut aussi arrêter de jouer à l’hypocrite, de porter des masques. Cessons de faire de la Guadeloupe le lieu d’un carnaval permanent. Je dis avec mesure des choses que j’ai vécues. Je n’ai rien contre la personne de Cornet, et Paix à son âme.
Mais je crois qu’il développait une forme de populisme qui aurait pu se transformer en macoutisme. Vous dîtes que j’aurais dû dire tout cela de son vivant. Vous ne croyez pas si bien dire. J’ai interpellé il y a trois mois le procureur de la République de Pointe-à-Pitre sur des faits précis de corruption. J’attends toujours qu’elle accuse réception de mon courrier (lettre publiée en fin d’interview, N.D.L.R), et des éléments que je lui ai fait parvenir. On observe de plus en plus une forme de mansuétude du pouvoir judiciaire envers le pouvoir économique et la classe politique. Ce qui interdit un accès des individus à la citoyenneté. Tout est devenu consommable, vendable. Les valeurs fondamentales ont péri.
Selon vous, l’intérêt général et le citoyen sont en danger et plus singulièrement au Gosier. Que doit faire la maire Liliane Montout qui vient d’être élue ?
Alex Lollia : D’abord dire la vérité. Ouvrir les comptes. Les citoyens doivent savoir quel usage a été fait et sera fait des finances publiques. Quand on paie des impôts on a un droit de regard. On a droit à un service public digne de ce nom. École, crèche, médiathèque, routes, transports publics etc. Peut-on s’enorgueillir d’avoir au moins cela en Guadeloupe ? Je ne le crois pas.
Les élus prônent un changement de statut, une évolution institutionnelle, une assemblée unique, comment voyez-vous ce projet ?
Alex Lollia : Les statuts sont inertes. Ils ne changent et ne changeront ni la réalité ni les hommes. Il faudrait d’abord se demander qui voulons nous être à l’horizon 2040 ou 2050 ? Une société responsable, capable d’organiser des transports publics, d’organiser une certaine autonomie alimentaire, de produire l’énergie que nous consommons, d’éduquer et de promouvoir une jeunesse capable de reprendre le flambeau et d’éviter que nous disparaissions en tant qu’identité.
Après avoir répondu à ces questions nous pourrons envisager de quels moyens politiques et législatifs nous devons disposer afin de mener tous ces chantiers à bien. Il ne s’agit pas de se demander quel statut prévu par la Constitution française nous permettra de nous émanciper, mais de quels pouvoirs une assemblée locale doit disposer pour s’attaquer aux vrais problèmes de la Guadeloupe.
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