Le comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf) Guadeloupe, instance créée pour lutter contre les fraudes fiscales, sociales et le travail illégal, a dévoilé son bilan provisoire. Le préjudice des fraudes de l’année 2023 approche les 4,4 millions. Des redressements ont été opérés par l’Urssaf à hauteur de 363 291 euros. Des verbalisations dressées par les impôts à hauteur de 97 500 euros. Des fraudes aux prestations sociales détectées à hauteur de 1 649 209,60 euros. Des avoirs criminels saisis à hauteur de 2 299 976,13 euros.
Le Codaf Guadeloupe s’est réuni jeudi 16 novembre sous la coprésidence de Xavier Lefort, préfet et de Xavier Sicot, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Basse-Terre. Au côté des deux coprésidents figure Caroline Calbo, procureure de la République près le tribunal de Pointe-à-Pitre. Les chiffres de l’année qui se termine ont été communiqués le 24 novembre.
Préserver l’argent public
Les services impliqués dans les opérations de contrôle sont nombreux : la préfecture, la police, l’administration fiscale, la douane, l’Agence régionale de santé, la caisse générale de sécurité sociale, la caisse d’allocations familiales, Pôle emploi.
Toutes ces entités œuvrent de concert pour préserver les finances publiques en combattant la fraude qui peut prendre plusieurs formes : immigration irrégulière, travail illégal, fraude aux prestations sociales et aux aides publiques, économie souterraine, blanchiment d’argent, fausses déclarations, fraude documentaire (permis de conduire, bulletin de salaire, identité etc.)…
63 opérations ont été menées. 244 entreprises sont concernées et 801 personnes ont été auditionnées. Au titre de l’hygiène, la justice a ordonné des fermetures administratives d’urgence en raison de manquements graves dans des établissements de restauration. La direction générale des finances publiques a dressé des verbalisations totalisant 97 500 euros pour des caisses non conformes. Quant aux fraudes aux prestations sociales identifiées, elles s’élèvent à 1 649 209,60 euros.
Le travail illégal sous contrôlé
En matière de travail illégal, les contrôles ont permis de relever 131 travailleurs illégaux, 9 situations de dissimulation d’activité, 10 étrangers sans titre, 30 étrangers en situation irrégulière. Le secteur de l’hôtellerie café restaurant (HCR) est le plus représenté, il cumule 56,5% des établissements verbalisés. Les entreprises de gardiennage et de sécurité (14%) occupent le second rang. Viennent ensuite les petits commerces alimentaires, « ti lolo » (8,5%).
Au chapitre des sanctions financières, l’Urssaf a effectué des redressements à hauteur de 363 291 euros. Les mesures adoptées au titre du travail illégal sont en baisse importante par rapport à 2017. Près de 300 contrôles contre le travail dissimulé avaient été effectués en 2017 par l’Urssaf pour 2,8 millions redressés.
Les commerces de proximité, les établissements de restauration rapide, et les chantiers du BTP ou de l’agriculture sont traditionnellement les secteurs les plus contrôlés en France. La Guadeloupe adopte ce même schéma. Sauf dans le secteur des salons de coiffure, où l’activité de contrôle est plus dense dans l’Hexagone.
En mai 2023, le procureur de la république du Havre en Normandie faisait état de 15 personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel du Havre pour travail dissimulé. « Les poursuites sont engagées sur trois fondements : emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, aide à l’entrée à la circulation d’un étranger en France, exploitation d’une entreprise ayant une activité artisanale sans le contrôle d’une personne titulaire du diplôme requis pour exercer la profession artisanale en question » pouvait-on lire dans le communiqué.
Des situations comparables ont pignon sur rue en Guadeloupe, sans que les sanctions n’apparaissent dans les communiqués. « On voit fleurir à Pointe-à-Pitre et Jarry des salons de coiffure parfois huppés tenus par des Dominicaines. Ils ne subissent pas les mêmes coûts salariaux que nous. Ils ne s’approvisionnent pas en produits qui respectent les normes françaises et européennes, ce qui leur revient à moins cher. C’est une concurrence déloyale qui nous prive de chiffre d’affaires dont on aurait bien besoin pour réaliser nos embauches et nos investissements » témoigne une coiffeuse interrogée à Baie-Mahault.
Les avoirs criminels sous confisqués
Les parquets de Guadeloupe indiquent avoir procédé en 2023 à des saisies d’avoirs criminels d’une valeur de 2 299 976,13 euros. Un chiffre lui aussi en baisse importante. En septembre 2019, la préfecture se félicitait de la « performance du groupe d’intervention régionale de Guadeloupe qui avait capté 22 millions d’avoirs criminels depuis le début de l’année ».
L’administration dépecée
Si les chiffres en matière de redressements et de saisies sont en baisse, ce n’est pas parce que la fraude recule. Mais parce que les gouvernements successifs, malgré les effets d’annonce, n’y mettent pas les moyens. Dans le seul domaine du contrôle fiscal, l’administration est dépecée. « Avec 540 agents en 2022 contre 740 avant fusion, la DRFIP Guadeloupe a été mise à l’os… » dénonce le syndicat FO DGFIP Guadeloupe qui réclame des embauches afin d’améliorer les conditions de travail et la qualité du service public. « Les taux de recouvrement ainsi que d’autres indicateurs ne sont pas bons. L’explication de ces résultats est toute simple : les spécificités de notre département et une sous dotation en effectifs (SIP SIE / contrôle fiscal ou SGC). La Martinique, l’île sœur bénéficie de cinq SIP et de trois SIE. La Guadeloupe plus grande et plus peuplée ne possède que deux SIP/SIE, cherchez l’erreur ! » poursuit le syndicat.
Derrière la lutte contre les fraudes, se dessine l’enjeu d’un système social où les services publics de santé, d’éducation, de sécurité etc. sont mal rendus par manque d’effectifs et de finances publiques pour les faire fonctionner.
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