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Réhabiliter vraiment Félix Proto

Félix Proto a tiré sa révérence. Dans une douleur empreinte d’une immense amertume. Et si nous nous référons aux révélations faites par Henri Hazaël-Massieux dans ce numéro du Courrier de Guadeloupe, on peut aisément comprendre. Il ne s’agit certainement pas d’élever Félix Proto au rang de génie ou même de saint. L’homme avait ses défauts, ses foucades et ses excès. Alors qu’il recevait le ministre de l’outre-mer de l’époque Louis Le Pensec à la Grivelière à Vieux-Habitants, je me souviens d’une de nos engueulades, en public, à propos d’un de mes articles concernant le marché pour la construction du lycée agricole. Mais Félix Proto était un Guadeloupéen fier, un vrai. Il avait de surcroît, une ambition majeure pour son pays. Celui de conduire une économie guadeloupéenne au bénéfice de la population. Et il était de ceux qui pensent aussi que la Guadeloupe dispose du potentiel nécessaire pour accéder au meilleur, et à ce titre, elle a droit à toutes les composantes de la modernité. Folie ? Non, courage et dignité. Courage parce que dans les méandres du pouvoir se cachent toutes les chausse-trappes possibles et imaginables. Et dans cet aréopage, il est bien plus facile de se coucher que de rester vertical. Félix Proto ne s’est pas couché. Il l’a payé au prix fort. Dignité, parce que l’homme n’a pas crié et ne s’est pas répandu. Il a refusé jusqu’au bout toutes les sollicitations futiles, en gardant toujours au coin des lèvres ce petit sourire. Une forme de dédain. Son seul luxe. Il aurait été sans doute plus simple pour nous au Courrier de Guadeloupe d’entonner comme tout le monde les louanges tellement répétitives qu’elles en deviennent idiotes. Toujours décalés, mais résolument dans l’info, nous avons préféré lever un coin du voile sur la déchéance politique de Félix Proto. Le résultat n’est pas triste (voire articles pages 8 à 10). Nous pourrions aussi nous contenter d’accuser le gouvernement de l’époque, les élus, les forces de l’argent. Mais ce ne serait pas suffisant. Nous aussi journalistes avons pris part à la sarabande qui accompagnait sa mise à mort politique. Je me souviens qu’à l’époque et sans outre mesure avoir enquêté, la presse dans son entier avait embouché les trompettes du discrédit, alimentée par un pouvoir qui buvait du petit-lait. 21 ans après, et même si Félix Proto n’est plus, il n’est pas inutile de mettre sur la table toutes les cartes. Car rendre accessible à tous la vérité est le seul véritable hommage qu’on puisse lui rendre. Ne plus le faire passer pour le fossoyeur de la collectivité régionale, c’est important. La mémoire d’un homme, ça compte aussi.

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