Depuis plusieurs semaines, les manifestations de soutien à George Floyd se succèdent. Son nom est devenu synonyme de lutte contre les violences policières et contre le racisme. Un combat mené aussi en Guadeloupe.
Sidjie Esdras est porte-parole du parti politique Combat ouvrier et de Rebelle, journal contestataire des jeunes en Guadeloupe. Elle fait partie de ces jeunes impliqués dans la lutte contre le racisme, la lutte contre les discriminations. Ce mercredi 3 juin, elle a appelé la population à se rassembler devant la mairie de Pointe-à-Pitre en hommage à George Floyd et contre le racisme et les violences policières. Rencontre.
Vous n’êtes que deux à appeler à manifester, pourquoi ?
Nous ne sommes pas les seuls, mais nous avons été les premiers. Il y a d’autres organisations qui appellent, elles aussi, à se rassembler. Il y a notamment le Coreca, mais aussi un certain nombre d’artistes qui ont appelé à se rassembler samedi 6 juin à 10 heures sur la Place de la Victoire. À notre niveau, nous invitons la population à se rassembler mardi, le jour de l’enterrement de George Floyd, à 18 heures sur la place de la mairie à Pointe-à-Pitre.
Pourquoi une mobilisation physique et pas numérique ?
Nous avons choisi une mobilisation physique car nous sommes des militants. On pense que militer nécessite un contact humain. Voir des gens, ressentir la colère ensemble, se rassembler. Derrière l’écran il y a un côté froid, un côté impersonnel. On peut s’exprimer par les réseaux sociaux, mais le fait de se rassembler c’est aussi faire un geste, montrer une forme de détermination. Prendre sur son temps, être là, c’est aussi montrer l’importance de la manifestation. C’est symbolique. On a appelé à se rassembler certes, mais toujours dans le respect des gestes barrières. On nettoyait le micro régulièrement, on se lavait les mains, on a même appelé tous ceux qui n’avaient pas de gel hydroalcoolique à se rapprocher. On n’a pas fait ça en toute inconscience.
Êtes-vous satisfaite de la mobilisation ?
Il y avait plus de 500 personnes devant la mairie de Pointe-à-Pitre, donc pour nous c’est un succès. Il y avait beaucoup de personnes avec des pancartes, des t-shirts avec des slogans, c’était beau à voir.
En organisant cette mobilisation, quel objectif recherchez-vous ?
L’objectif c’est de se rassembler pour protester. Et surtout pour soutenir ceux qui manifestent aujourd’hui aux États-Unis et dans le monde, car ça a dépassé les frontières américaines. En Guadeloupe on s’est dit qu’on est concernés, ce sont nos frères noirs, on a une histoire commune d’oppression puisque nos ancêtres ont été déportés d’Afrique, jetés comme des bêtes sur les plantations des Amériques. C’est déjà une première raison de se sentir concernés. Et puis ici aussi le racisme existe. On est une population majoritairement noire et indienne mais justement on sent ce racisme. On sent qu’un noir ici ne sera pas traité de la même manière qu’un blanc. Il aura plus de difficulté à trouver du travail, un logement, etc. Et ici, aux Antilles françaises, ce sont les descendants d’anciens esclavagistes qui détiennent le capital. Et ceux qui travaillent pour ces personnes sont des descendants d’esclaves, des noirs. C’est pour toutes ces raisons que nous avons voulu organiser cette manifestation.
Êtes-vous concernés par les violences policières ici en Guadeloupe et maintenant en 2020, 2019 ? Sur quels faits concrets vous basez-vous ?
Entre le XXe et le XXIe siècle il y a eu des cas violents de répression. Par exemple la grève de 1910 sur la plantation Sainte-Marthe où il y a eu plusieurs morts parmi les grévistes. Il y a eu aussi le massacre de février 1952 au Moule qui est resté dans l’histoire comme le massacre de la Saint-Valentin. Ce jour-là les autorités ont eu ordre de tirer sur les manifestants. Il y a eu quatre morts et plus d’une dizaine de blessés. Il y a eu mai 1967 où, pendant une grève des ouvriers du bâtiment, les autorités ont tiré sur les grévistes et les manifestants réunis à côté de la Place de la Victoire où il y avait l’ancienne Chambre du commerce de Pointe-à-Pitre. Il y a eu des victimes et la répression a duré plusieurs jours. Les autorités scrutaient les rues et tiraient sur tout ce qui bougeait. Et jusqu’à maintenant on ne connaît pas précisément le nombre de victimes car les autorités ont durant plusieurs années, terrorisé les gens pour qu’ils ne parlent pas. On suppose qu’il y a presque 100 victimes. En 1985, Charles-Henri Salin, 21 ans, a été abattu par un policier blanc après que celui-ci l’a violenté. Le policier n’a pas été condamné. Plus récemment encore, en 2009, lors d’une grève générale, le camarade Jacques Bino, militant de la CGTG, s’est fait tuer dans des circonstances qui n’ont pas été élucidées. Alors oui il y a des faits de violence policière, et je n’ai pas tout dit. Ici la police n’est pas aussi “blanche” qu’aux États-Unis. Mais c’est aussi une question sociale. C’est sur les pauvres que les forces de l’ordre s’acharnent le plus car ce sont eux qu’il faut “dresser”. Les autorités veulent maintenir les pauvres dans leur situation de pauvres afin qu’ils ne se révoltent pas, qu’ils restent à leur place. C’est pour ça qu’en France c’est dans les quartiers populaires où il y a majoritairement des noirs et des arabes que cette violence policière s’exprime le plus. Quand la police fait une descente dans les quartiers populaires et dans un quartier bourgeois du Gosier par exemple, vous pouvez être sûr que ça ne se passe pas de la même manière. Donc les faits récents sont peut-être moins connus car vécus dans des quartiers populaires.
En matière de racisme, qu’est-ce qui vous fait peur, pour vous ou pour la société guadeloupéenne ?
Comme je l’ai dit, la Guadeloupe, et la Martinique car je rassemble les deux, sont issues de la colonisation. La colonisation a apporté son lot de racisme. Pour justifier la mise en esclavage des noirs il a fallu inventer l’idée que ces noirs n’étaient pas humains et qu’ils méritaient leur sort. Même après l’abolition de l’esclavage ce racisme a continué d’exister. Aujourd’hui ce n’est plus le maître et ses esclaves, mais un patron capitaliste et ses salariés qui continuent de se faire exploiter. Nous ne sommes pas vraiment libres, car si on ne travaille pas on ne mange pas. Aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes qui sont aux manettes, les mêmes familles de békés avec le soutien des autorités locales. Prenons l’exemple du chlordécone. En toute impunité et en connaissance de cause, les békés ont répandu le poison avec la bénédiction de l’État. Le scandale du chlordécone est un exemple de la manière dont les choses fonctionnent aux Antilles. Et c’est ce qui me fait peur. Ce sont les riches qui font la pluie et le beau temps et qui estiment qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent. On sait aussi qu’il y a des discriminations à l’embauche. Plus on monte dans la hiérarchie de certaines entreprises et plus c’est “blanc”. C’est aussi ça le racisme, un racisme organisé.
Qu’est-ce qui vous met en colère ?
Ce sont toutes ces choses que j’ai citées qui nous mettent en colère. Et le meurtre de George Floyd est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Si vous en aviez le pouvoir, qu’auriez-vous changé ?
Certaines choses seront proposées mardi. Pour le moment nous n’avons pas d’autres actions de prévues. Le CIPN, le Comité international des peuples noirs, a proposé de débaptiser toutes les rues qui portent le nom de Jules Ferry en Guadeloupe, dont celle qui se trouve à Saint-François, et de les renommer George Floyd. Jules Ferry était un raciste notoire, un suprémaciste blanc. C’est le combat qui sera mené sur un plus long terme.
“Nou ka lévé, nou ka lévé”
La mort de George Floyd, a provoqué un vent de colère aux États-Unis et dans le monde entier. Les Guadeloupéens ont choisi de s’unir pour une même cause : la lutte contre le racisme. Reportage.
18 h 30, Pointe-à-Pitre, mercredi 3 juin. Aujourd’hui le soleil refuse de pointer le bout de son nez. Le temps est maussade, le ciel est gris. Mais il ne pleut pas. Comme si quelque chose ne voulait pas gâcher ce moment. Devant la mairie de Pointe-à-Pitre, près de 500 personnes sont réunies. Elles ont répondu à l’appel à la mobilisation de Combat ouvrier et du journal Rebelle, en soutien aux manifestants pour le Black lives matter aux États-Unis. Les visages sont fermés, les regards, sombres. Certains portent leurs masques, d’autres respectent la distanciation physique. La menace du Covid-19 est toujours dans les têtes. Les gestes barrières sont presque un automatisme. Debout face à l’estrade de fortune organisée sur le parvis de la mairie, un homme brandi une pancarte sur laquelle sont inscrits les mots suivants : “Arété tchouyé nou !” Les mots sont forts. Ils résonnent dans l’esprit du public, toutes générations confondues. Sur un pan de la mairie, une large banderole donne le ton de la rencontre : “A bat le racisme contre le peuple noir !” Un micro est installé en haut des marches. Les intervenants surplombent le public, qui lui, est suspendu à leurs lèvres. Chacun à leur tour, les intervenants propagent leur message. Didier Jeanne, président du collectif Vigilance citoyenne, défend son point de vue. “Dans ce pays, c’est la domination qui prône, yo paka konsidéré sa ki an ba, yo ka tchouyé yo”. Selon lui, le meilleur moyen de rendre hommage à George Floyd, ce n’est pas “de rentrer dans une logique de violence, c’est, au contraire, de se sortir de ce schéma de violence”.
“Black lives matter ! “
Après chaque intervention, le public reprend en chœur des mots lourds de sens. “La vie des Noirs compte”. La question du racisme anti-noir est au cœur de la mobilisation. Lorsque vient le tour de la représentante du Mouvement international pour les réparations (MIR Guadeloupe), le discours est plus incisif. Plus tranchant. “Il faut que nous menions la révolution pour que les choses changent !”, s’écrit-elle. “Et pas seulement aux États-Unis”. Le public écoute religieusement. Certains secouent la tête de haut en bas, d’autres applaudissent. “J’ai des frissons”, chuchote une jeune fille à l’oreille de sa maman. “Moi aussi !” répond la mère. Au dos de son t-shirt, l’incontournable “Black lives matter” est marqué de couleur blanche en lettre capitale. “Ils ont reconnu l’esclavage comme étant un crime contre l’humanité, et pourtant… poursuit l’intervenante. Nous ne pouvons nous contenter de ça, et c’est la raison pour laquelle, au sein du Mouvement international pour les réparations, nous crions haut et fort : pépa ni pè, pépa ni jistis, si pani réparasyon”. Des cris s’élèvent dans l’assemblée. On applaudit de plus en plus fort. Sa voix porte, elle transporte même. “Nou ka mandé RÉPARASYON !” Des mots appuyés, maintes fois prononcés, martelés ce mercredi devant la mairie de Pointe-à-Pitre.
“Black lives matter ! “
Au bout d’une heure, la nuit est tombée. Malgré la noirceur, les partisans n’ont pas bougé. Ils sont comme accrochés aux lèvres des intervenants. ” Je sais bien que, quelque part, ce qu’ils nous disent aujourd’hui on le savait déjà, lâche une femme appuyée sur son parapluie. Mais c’est comme si on avait besoin de l’entendre “. CGTG, CIPN, FKNG, Parti socialiste…, plus d’une dizaine d’acteurs s’expriment à tour de rôle. On appelle au boycott des États-Unis, des entreprises américaines… Et à la place ils mettent en avant les entreprises locales qu’il faut valoriser. Plus qu’une mobilisation en soutien à George Floyd, ce rassemblement a pour vocation de pousser les Guadeloupéens à réfléchir individuellement à ce qu’ils pourraient faire pour lutter contre le racisme. “Nous avons un long passé de répression, de colonialisme et c’est pour ça que nous devons nous sentir concerné par ce qu’il se passe aux États-Unis”, précise Sidjie Esdras, porte-parole de Combat ouvrier. “Sonjé mai 67 à Pointe-à-Pitre, sonjé osi février 1994 en Martinique. Sonjé tout’ lé réprésyon”. Les Guadeloupéens n’ont pas le droit d’oublier.
“Black lives matter ! “
La sénatrice socialiste Victoire Jasmin prend la place derrière le micro. Loin de son flegme habituel, elle est animée d’une vive émotion. “Fo nou doubout ! Nou adan on mwa a komba”. Le volume de sa voix augmente au fur et à mesure de l’avancée de son discours. “J’aurais aimé que la justice fasse son travail correctement ! Nous avons le droit de vivre. Ils disent que ce sont des policiers, moi je dis que ce sont des meurtriers”. La politique a laissé la place à la guadeloupéenne indignée. Indignée par ce que vivent les noirs aux États-Unis, en France. Indignée par une justice à deux vitesses. Son indignation est partagée par Raphaël Cécé, porte-parole du journal Rebelle. “Le seul langage qu’ils (les oppresseurs, NDLR) comprennent c’est quand les gens descendent dans la rue, ansanm ansanm”. Même discours du côté de Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG. “Nou o komba èvè tout’ maléré, ansanm nou ka lité, ansanm nou ké rivé”.
“Justice pour Floyd”
Quelques minutes avant la fin de la rencontre, les membres du collectif Moun gwadloup font une arrivée remarquée. Ils traversent la foule à toute vitesse, munie du “vrai drapeau de la Guadeloupe”, comme ils le soutiennent. Au bout de quelques minutes, ils décident de rejoindre l’estrade. En un rien de temps, ils ont envahi l’endroit. Imperturbable, Max Céleste poursuit son discours. Les militants font barrière et se placent dos à lui afin de bloquer toute tentative des Moun gwadloup. Vaincus, ils sont contraints de quitter les lieux. “C’est drôle quand même, on parle de soutien, ansanm ansanm, et là des noirs sont obligés de faire barrière contre d’autres noirs qui ne savent pas comment se tenir”, ironise un jeune homme dans le public. “Apparemment on ne les a pas laissés s’exprimer donc ils sont fâchés” lui répond son ami. “Tout ça est ridicule, on ne devait pas se battre ensemble ?” rétorque le premier. “Ansanm, ansanm, ouais…”
Après le “spectacle”, viennent les remerciements. Debout sur une chaise, Sidjie Esdras s’adresse aux quelques personnes encore là. “On était nombreux, ça prouve qu’il y a un espoir, un espoir pour tous les opprimés” conclut la jeune militante. “Nou ka lévé, nou ka lévé…” Un chant s’élève alors dans le public, comme pour redonner de la force aux militants.
« Les supérieurs ne prennent pas leurs responsabilités »
Stéphane (le prénom a été changé, N.D.L.R.) est policier en Guadeloupe. Il a conscience que sa profession, considérée comme l’une des professions « les plus détestées », a perdu encore en popularité. Le meurtre de George Floyd, tué des mains d’un policier aux États-Unis, a mis en avant les faits de racisme, de discrimination, et de violence souvent cachés dans la police. La Guadeloupe ne fait pas exception, toutes proportions gardées.
Le racisme est-il présent dans la police en Guadeloupe ?
Oui, on ne va pas se mentir, le racisme est présent dans la police. J’ai travaillé en France avant de rentrer en Guadeloupe. C’était déjà présent en France. Ici, on est amené à travailler avec des personnes qui viennent de différentes polices, de l’Hexagone par exemple. C’est vrai que les problèmes entre les collègues de couleur se posent. Par exemple, lorsqu’on arrive sur un lieu, on rencontre d’autres collègues, certains vont dire bonjour, d’autres non. C’est un truc bête mais malheureusement ça existe. Après entre nous, entre collègues qui travaillons dans la même police, non, je ne pense pas. Mais lorsqu’on rencontre d’autres collègues de police de Guadeloupe, et toujours des policiers d’ici, ou encore des gendarmes, oui c’est vrai que le problème peut se poser. Parfois on ressent même un malaise. Le fait d’avoir droit à ce refus de se mélanger, de dire bonjour, ou autre, forcément ça met déjà une distance entre nous.
Quelle est votre réaction, quand vous entendez des policiers dénoncer le racisme dans leurs rangs ?
J’encourage les collègues qui, malheureusement, vivent ça, à le dénoncer. Mais c’est vrai que ce n’est pas facile, encore moins de le vivre. Alors je salue les collègues qui n’ont pas peur d’en parler.
Avez-vous déjà assisté à des faits de violences policières en Guadeloupe ?
Oui je l’ai déjà vécu en Guadeloupe. C’est dur de dire ça, mais quelque part, quand on n’est pas « habitué » forcément on se demande ce qu’il se passe. Ou alors on va vers le ou les collègues en question et on essaye de stopper ça, par exemple. Après on est obligé de travailler avec tous nos collègues, dans le sens où on connaît certains d’entre eux, leurs réactions vis-à-vis de certains individus, etc. Donc on sera peut-être un peu moins étonné quand ça arrive. Après ce sont des choses dont il faut parler. Quand un policier agit mal, c’est le rôle de son supérieur hiérarchique direct de le recadrer. Et si ce n’est pas fait, c’est aux collègues qui ont assisté à la scène de le faire en tout cas. Ensuite viennent les sanctions. Mais elles ne sont pas toujours appliquées dans la police, malheureusement. Parce que les supérieurs ne prennent pas toujours leurs responsabilités lorsqu’il s’agit de sanctionner certaines personnes.
La formation sur les questions déontologiques en école de police est-elle efficace ?
Elle est efficace et nécessaire. Mais il faut savoir que certains modules dans les cours des écoles de police sont amenés à disparaître. Prenons l’exemple d’un gendarme qui veut rentrer dans la police. Il sera peut-être dispensé de certains modules dont la déontologie. Pourtant la déontologie n’est pas forcément la même d’un corps de métier à l’autre, même si les deux sont dans la sécurité. Ce sont des cours très importants et on ne met pas souvent l’accent dessus. On va plus privilégier les capacités de rédaction, les capacités physiques, plutôt que l’aspect psychologique, mental. Ce sont des choses qui devraient être mieux mises en avant.
Pensez-vous que la lutte contre le racisme et les discriminations est suffisante au sein de l’institution ?
Malheureusement, non. À la base ça fait partie de la déontologie. Par exemple un policier ne doit pas montrer son appartenance politique, religieuse, etc. Il ne doit pas non plus y avoir de discrimination. Après on ne parle pas de racisme. Pourtant c’est une réalité. Aujourd’hui, par rapport à George Floyd, on parle du racisme « blanc/noir ». Mais on ne va pas se mentir en Guadeloupe il y a une forme de racisme envers certaines minorités. Les Syriens, les Haïtiens, les Dominiquais. Et pourtant ce sont pour la plupart des noirs comme nous-même. Mais comme ce sont des personnes de nationalité différente, des minorités, il y a cette forme de racisme envers eux, je dirais même du dénigrement. Donc oui c’est quelque chose qu’il faut aborder car on est censé traiter toute personne, peu importe son rang social, sa couleur de peau, de la même manière. On n’est pas censé faire de distinction mais malheureusement c’est une réalité. C’est vraiment important d’en parler. Ça devrait même être un module par exemple, qui donnerait un cadre quelque part.
Comment la police pourrait-elle retrouver la confiance de la population ?
On pourrait renforcer la police de proximité, c’est-à-dire mettre des policiers vraiment au contact de la population. Des policiers qui pourront dialoguer avec la population. Il ne s’agit pas seulement d’être dans le répressif, il faut être aussi dans le préventif. À la base en tant que policier c’est censé être déjà notre point fort. Savoir parler avec quelqu’un, désamorcer une situation en parlant simplement. Aux États-Unis, avec l’autorisation de port d’arme, la police est plus souvent amenée à être répressive. En France on n’a pas ce problème comme aux États-Unis. Donc en renforçant le lien avec la population la police pourrait retrouver sa confiance. C’est compliqué, mais il ne faut pas lâcher. C’est quelque chose que je dis souvent. Lorsque je me retrouve face à un jeune je lui dis « ne regarde pas la tenue bleue que j’ai. Moi aussi je suis un être humain, je suis comme toi, ton bien-être c’est ma priorité ». Mais en général lorsqu’on voit la tenue bleue on s’imagine qu’on est là pour régler un problème en faisant obligatoirement usage de la force, alors que non. On peut trouver d’autres moyens comme le dialogue. C’est quelque chose qui devrait être renforcé, encore plus maintenant.
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