Et revoilà le temps de la rigueur. Du moins celle décrétée par les médias toutes tendances confondues. Il a suffi pour cela deux ou trois déclarations de ministres sur les nouvelles économies budgétaires à réaliser, pour que le refrain revienne en boucle. Un peu comme s’il fallait à tout prix créer un surcroît d’angoisse pour qu’on se sente mieux. Et comme il y aura un nécessaire tour de vis, c’est le moment d’évoquer encore une fois la crise. Mais quelle crise ? Ce concept à lui seul est une double escroquerie intellectuelle. L’idée de crise impliquerait qu’après une boursouflure, un pic dangereux, on puisse revenir à un état jugé normal. Or ce n’est pas le cas. La situation économique continue inexorablement sur la même pente. Ensuite, ce mot de crise a pour principale conséquence de mettre en émoi une population sommée en quelque sorte de craindre le pire. En réalité, l’humanité tout entière est confrontée à une série de mutations qu’elle prend de plein fouet. La première mutation est géopolitique. L’Occident a perdu son leadership économique politique et culturel. La deuxième est numérique. Nous sommes entrés dans un monde de plus en plus virtuel. Pas forcément évident. La troisième mutation est écologique. L’Homme sait désormais que son action met en danger l’environnement dans lequel il vit. Il devra la changer. La quatrième mutation est génétique. Désormais démiurges, nous voilà capables de modifier les espèces, d’en créer peut-être bientôt. Cela peut donner le tournis. La cinquième mutation est économique, c’est la mondialisation. Jean-Claude Guillebaud qui propose cette lecture du monde explique que c’est la simultanéité de ces cinq mutations qui rend notre époque inédite dans l’histoire de l’humanité. L’essayiste parle carrément de la fin d’un monde. Une fin qui génère de nombreux soubresauts. Ce sont des spasmes. Pas des crises. Car le chemin est sans retour. En réalité, nous sommes condamnées à créer un monde nouveau.
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