Tous assistés

Je reviens cette semaine sur le sens et la signification que charrient les mots et l’usage idéologique qui en est fait. Un commentateur disait dernièrement sur une chaîne de télévision d’information continue, que la société française s’est ” droitisée “. Il prenait en exemple l’immigration désormais honnie par un large spectre du personnel politique et surtout par une majorité de Français. C’est sans doute vrai. Mais c’est surtout que la social-démocratie et plus largement la gauche a déserté depuis longtemps le combat des idées et laissé libre cours au libéralisme triomphant qui lui s’est mué en capitalisme sauvage. Ainsi on produit dans des pays pauvres en payant aux salariés autochtones des salaires de misère. Ce faisant, on supprime en France des milliers emplois, mais c’est devenu presque aussi naturel que de manger, boire ou dormir. Normal, puisqu’ on ne crée pas du chômage, – le vilain mot — on délocalise. Quelle trouvaille ! C’est classe, soft, inodore, incolore et on voudrait également que le concept soit indolore. Voire ! Il en va de même pour le mot assistanat. D’ailleurs on ne dit jamais assistance mais assistanat. Cela claque plus fort et c’est résolument péjoratif. Soyons clairs : la société génère toujours des profiteurs, des tricheurs, et osons le dire des parasites. Une bonne politique sociale voudrait qu’on fixe des limites aux aides sociales octroyées par l’État et qu’on exerce des contrôles plus fréquents pour dissuader les tricheurs. Mais la finalité recherchée n’est pas celle-là. La droite au pouvoir ne s’est jamais elle-même décarcassée pour amplifier les contrôles. En revanche, les discours montés en prêche destinés à frapper les esprits et qui assoient solidement l’idéologie sont florès. Ainsi l’économie française serait ruinée par la distribution de subsides. Plus grave une foultitude de tricheurs en profiterait. Et ce n’est pas tout. Les assistés sont surtout des immigrés. Raison de plus pour mettre un holà à l’assistanat ! Bien sûr cela existe. Et, aucun laxisme ne devrait être toléré en la matière. Mais on sait depuis longtemps que les plus gros tricheurs en tout cas en volume, notamment pour ce qui concerne la sécurité sociale ne sont pas ceux-là, mais les cliniques et les professions de santé. Aux actualités, cela vaut une brève dans la rubrique faits divers. Mais personne ne s’est jamais penché sur le système qui permet une telle dérive. D’un point de vue idéologique il vaut mieux taper sur les assistés désignés. Car le seul objectif c’est de vilipender l’assistanat. Pourtant à bien regarder l’argent public ne va pas seulement aux va-nu-pieds et autres déshérités. Nombre de grands groupes bien installés obtiennent des subventions en tout genre. Et ils savent y faire. Fonds européens, fonds régionaux, fonds de l’État… On me rétorque que cela n’a rien de comparable, les entrepreneurs créent de l’activité, des richesses et des emplois. Là encore voire ! L’entrepreneur français le plus emblématique, celui qui a eu la réussite la plus significative, Bernard Arnaud lui-même, patron de LVMH a bénéficié d’une aide massive de l’État pour reprendre l’empire Boussac. En retour il avait promis de sauvegarder les emplois. Sauf que les emplois ont tous disparu. La fortune de Bernard Arnaud a en revanche fortement fructifié. L’une des raisons de l’échec de l’hôtellerie en Guadeloupe et surtout à Saint-Martin tient également du fait que la plupart de ceux qui se sont lancés dans ce secteur y venaient surtout attirés par les retombées de la défiscalisation pour disparaître cinq ans plus tard. Loin de moi cependant l’idée de fustiger ceux qui entreprennent. Au contraire, ils devraient être encore mieux soutenus et encouragés. Mais le monde est plus souvent gris que tout blanc ou tout noir. Il n’y a pas d’un côté de vils profiteurs qui se traînent dans la fange et la fainéantise dont on peut se servir pour théoriser une idéologie, et de l’autre de preux chevaliers de l’entreprenariat sans reproche. L’assistanat, si assistanat il y a, concerne tout le monde. Car au final, l’argent public tout le monde en profite.