Les élus priés de se mobiliser

Quels maires feront le job ?

• Invité par le président de la République, une dizaine de maires se rendra à Paris le 1 février. Emmanuel Macron espère des relais locaux pour l’organisation du grand débat.

Les élus des territoires d’Outre-mer, sont invités à rencontrer Emmanuel Macron, ce vendredi 1er février. L’initiative s’inscrit dans le cadre du ‘Grand débat national’ lancé suite à la mobilisation des Gilets-jaunes. Si la plupart des édiles de Guadeloupe adhèrent à l’idée de consultation populaire, seule une dizaine répondra à l’invitation présidentielle. Une réunion de préparation à cette rencontre s’est tenue lundi 28 janvier, au siège de l’Association des maires de Guadeloupe (AMG). La délégation de maires qui assurera le job et tentera de faire accepter les doléances spécifiques de nos territoires, sera conduite par Jean-Claude Pioche. « J’attends de cette rencontre, que nos demandes soient prises en compte. Que nos problématiques soient entendues », souligne-t-il. Le président de l’AMG et maire de La Désirade, emmène une délégation dans laquelle figurent,  les maires de Capesterre de Marie-Galante, du Moule, de Vieux-Fort, de Petit-Bourg, de Lamentin, de Capesterre Belle-Eau et Gourbeyre.

Luc Adémar est de ceux qui ont accepté de rencontrer le chef de l’État. Le maire de Gourbeyre doit intervenir sur la question de la fiscalité en vue de soutenir la vie associative. « Les sujets de la santé, du développement économique, de l’emploi, de la pollution, doivent être aussi abordés en présence du président de la République et de la ministre des Outre-mer », affirme-t-il.

Des thématiques qui préoccupent et qui ont été mises en avant lors des états généraux de l’Outre-mer (au sortir du mouvement du LKP), ou lors des Assises des Outre-mer (plus récemment fin 2017).

Le groupe a demandé à être reçu par un représentant du gouvernement, en marge de la grand-messe du 1er février. Demande favorablement reçue semble-t-il. Pour quelles mesures concrètes, inscrites dans un calendrier et mesurables ?

« Ce débat permettra au président de redorer son blason »

À l’invitation d’Emmanuel Macron à le rencontrer, Éric Jalton a répondu non. L’exercice de démocratie participative promue par le président de la République a été mis en place en réponse à la colère de la rue. Le maire de la commune la plus peuplée de Guadeloupe, dit pourquoi il n’est pas du voyage.

Pourquoi avez-vous refusé l’invitation d’Emmanuel Macron ?

Éric Jalton : Je n’y vais pas, premièrement pour une question de forme. Le président de la République va à la rencontre des autres maires dans leur département ou leur région, et à nous, on nous demande de venir à Paris le rencontrer. Pour moi, il y a deux poids, deux mesures. Il aurait pu choisir un territoire d’Outre-mer, où tous les maires se seraient déplacés et en profiter pour échanger avec leurs homologues des autres régions. Deuxièmement, il y a la question de la non prise en charge des frais de déplacement par l’État. Je ne parle pas spécialement des Abymes, mais d’autres communes, aux moyens plus restreints qui devront faire un sacrifice financier pour le déplacement de leur maire.

Quelles sont les raisons de fond à ce refus ?

La raison la plus fondamentale de ma non-participation à ce rendez-vous c’est que j’estime qu’après les états généraux, sous Sarkozy, après les concertations préalables à l’élaboration de la loi sur l’égalité réelle, sous Hollande, après les très récentes Assises des Outre-mer et le Livre bleu, et le déplacement du président de la République en Guadeloupe, il sait parfaitement ce qu’attendent les populations des Outre-mer français et singulièrement les Guadeloupéens. Tout a été dit et les solutions, nous les connaissons, reste à les mettre en œuvre sur l’eau ou la pollution au chlordécone, et le rattrapage avec les autres régions de l’Hexagone.

Est-ce que pour autant, vous rejetez cette initiative de démocratie ?

Non, je suis quelqu’un de dialogue. Je ne vais recommander à aucun maire de ne pas y aller pour échanger avec le président. Je cède volontiers mon temps de parole à ceux qui n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer et qui pensent avoir des choses particulières à dire.

Allez-vous lancer des débats sur le territoire de la ville des Abymes ?

Ce débat est là pour désamorcer la crise des Gilets-jaunes, pas pour nous. La population a déjà fait savoir ce qu’elle voulait, depuis le mouvement du LKP. Nous avons tout de même ouvert un cahier de doléances en mairie, mais nous ne comptons pas organiser de rencontres spécifiquement pour l’occasion. On en fait tout au long de l’année dans des réunions de secteurs, dans celles des conseils citoyens, les groupes locaux de prévention qui se réunissent. La démocratie participative existe déjà sur le territoire des Abymes. Ce grand débat national permettra simplement au président de la République de redorer son blason et montrer qu’il reprend contact avec les Français.

Un inventaire à la GILETS-JAUNES

• Annick Girardin a dialogué, sous l’œil des caméras, avec trois Gilets-jaunes le 29 janvier à Paris. Ils apportaient à la ministre les remontées des Gilets-jaunes d’Outre-mer. Reportage.

Trois Gilets-jaunes, dont l’une des figures de ce mouvement, Priscillia Ludosky, ont été reçus par la ministre des Outre-mer, ce 29 janvier rue Oudinot à Paris. Pour l’occasion, la salle Mulâtresse Solitude – jadis bureau de François Mitterrand, alors ministre de la France d’Outre-mer – a été préparée avec soin. D’un côté de la table, trois Gilets-jaunes. De l’autre, la ministre et trois collaborateurs, restés muets. À distance et autour, vingt journalistes, invités avec l’accord des deux parties.

D’entrée, Priscillia Ludosky, martiniquaise d’origine, aborde les sujets « transmis  par des Gilets-jaunes de Guadeloupe, Martinique et La Réunion  », dit-elle. Premier volet, la démocratie. Elle évoque le « RIC » (référendum d’initiative citoyenne) : « Sur des questions comme le référendum sur le traité européen de 2005, contourné, mais aussi sur le CICE ou l’évasion fiscale, il permettrait aux citoyens de demander un référendum quand ils ne sont pas pris en compte ».

Sur les sargasses, elle dit «  l’incompréhension que l’état de catastrophe naturelle ne soit pas déclaré ». Et détaille ses conséquences : « disparition d’entreprises, effets sur le tourisme, des gens qui tombent malades  ». Viennent alors le glyphosate et le chlordécone, mais aussi les conditions de soins insuffisantes, un « sujet qui chagrine, l’eau  ». Et le pouvoir d’achat, avec «  le monopole de grosses boîtes qui abusent et vendent aussi cher que ce qui est importé ». Sur ce point, l’Outre-mer rejoint l’Hexagone sur la demande de baisse des prix des produits de première nécessité, dit-elle. Et y ajoute le contrôle des prix.

« C’est intéressant, c’est une sorte de contrôle citoyen », commente, séduit, un journaliste à son voisin.

Sur les transports « qui freinent l’accès au travail, les Gilets-jaunes locaux, positifs, suggèrent de mettre en place des plateformes de covoiturage ».

Annick Girardin intervenue pour rappeler son séjour récent à La Réunion a brandi son Livre bleu, résultat des Assises des Outre-mer, « un travail de 18 mois. Le travail qui reste, c’est la mise en œuvre  », s’est-elle défendue. La ministre a dans la foulée indiqué qu’une réunion à Matignon est prévue en février ou mars. À tous les ministres, elle demandera « qui a fait quoi ? On en est où ? ».

Et Priscillia Ludosky de s’impatienter : « Ça fait dix ans ! Les Outre-mer sont en attente. Ils veulent des actes concrets, le plus vite possible  ». Coiffé d’un petit chapeau, Philippe Pascot, son voisin a enfoncé le propos : « On parle d’urgence sociale !  ». Annick Girardin la voix calme, a enchaîné du tac au tac l’inventaire du « minimum vieillesse, porté à 903 € à La Réunion, ou le plan Guyane, réalisé à 90 %  ». Un instant plus tard, les deux côtés de la table se sont rappelé que « les dates de péremption sont plus larges en Outre-mer que dans l’Hexagone  ». Personne n’a développé d’explication… mais la ministre cherchant à reprendre la main, a rappelé qu’un délégué interministériel à la concurrence, qui a été nommé et « va regarder comment se construisent les prix ».

Accélérer la justice

L’échange s’est poursuivi sur le retour à l’accès à l’eau. « J’ai besoin des collectivités locales  », a dit la ministre, en défendant la réponse « construite par la Région et le Département  », pour lequel l’État « sera au rendez-vous ». À sa petite leçon sur les compétences variées des différents territoires d’Outre-mer, répond une nouvelle revendication : accélérer les processus de la justice. Plus une pique aux « élus qui se servent avant de servir ». Et le coup de pied de l’âne à « monsieur le député, auquel il faut dire vous êtes mis en examen et vous continuez ?  ». Les sargasses ont aussi fait l’objet d’une approche judiciaro-réglementaire. Elles « sont bien de la compétence de l’État  », a relancé Priscillia Ludosky, pugnace. « On ne peut pas classer (en catastrophe naturelle, ndlr) parce que ça ne s’arrête pas  », a argué la ministre. Qui a alors placé son « projet de loi sur les catastrophes naturelles, [qui sera discuté] avant la fin de l’année  ». Rendez-vous est pris. Autre dossier chaud, France Ô. La ministre solidaire du gouvernement n’est pas revenue sur sa suppression. Elle a juré de rediriger le budget de production sur les chaînes 1ères numériques, et d’exiger de France Télévisions plus de visibilité pour l’Outre-mer. Sur le chlordécone la ministre a fait valoir qu’« un décret sur les limites maximales de résidus, les fameuses » LMR « , est sorti aujourd’hui ». En fait, un simple arrêté, corrigera son cabinet. Qu’importe, au troisième gilet, Faouzi Lellouche, qui s’enhardit à son tour, la ministre répond encore que l’État finance 600 millions d’euros pour l’hôpital en Guadeloupe. Ou que Ladom aide les jeunes ultramarins qui viennent étudier dans l’Hexagone. En moins d’une heure, pour dresser l’inventaire de ces sujets les Gilets-jaunes se sont révélés courtois mais pas impressionnés et la ministre « en même temps » ouverte et ferme.

 

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