A cinq jours du 1er tour des élections législatives anticipées, Jordan Bardella pour le Rassemblement national, Gabriel Attal pour le camp présidentiel, Manuel Bompard de LFI pour le Nouveau Front populaire débattent sur TF1 à la télévision ce mardi 25 juin 2024 au soir. Photo :Jeanne Accorsini / Sipa / 2406252250

La campagne pour le premier tour des législatives a connu ses derniers feux ce vendredi 28 juin dans toute la France. Et face à l’avance confortable donnée au Rassemblement national par les sondages, les possibles reports de voix de l’entre-deux-tours ont mobilisé les esprits.

Avant un premier verdict des urnes dimanche à 14 heures en Guadeloupe et 20 heures à Paris. Les quelque 4 000 candidats engagés dans les législatives ont jeté leurs ultimes forces dans la bataille, de Marine Le Pen dans son fief d’Hénin-Beaumont en passant par Gabriel Attal dans le Rhône ou Olivier Faure en Seine-et-Marne.

Gabriel Attal, qui a assuré vendredi sur M6 avoir « compris le message qui a été envoyé au moment des élections européennes », tente depuis trois semaines et l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée de déjouer des pronostics défavorables pour le camp présidentiel.

« On nous dit qu’il faut faire plus et mieux sur le pouvoir d’achat, la sécurité notamment. On nous dit qu’il faut aussi faire différemment, associer davantage les Français à nos décisions […] », a constaté le Premier ministre, appelant à pouvoir « appliquer » lui-même ce programme à l’issue du scrutin.

Dans son étude quotidienne pour LCI, Le Figaro et Sud Radio, l’institut de sondage Ifop estime vendredi que le Rassemblement national, renforcé par la frange des Républicains alliés à Éric Ciotti, empocherait 36,5 % des voix. La gauche serait seconde à 29 % des suffrages quand le camp macroniste obtiendrait 20,5 % des voix.

Même tonalité chez Odoxa qui crédite le Rassemblement national de 35 % des voix, contre 27,5 % pour l’alliance de gauche et 21 % pour les soutiens du président de la République.

Des chiffres élevés pour le parti d’extrême droite, même s’ils ne lui assurent pas automatiquement de disposer des 289 députés nécessaires à la majorité absolue à l’issue du second tour, le 7 juillet.

« Gueule de bois »

Vent dans le dos, le patron du RN Jordan Bardella, qui a fait de l’obtention de la majorité absolue un préalable à son arrivée à Matignon, a maintenu vendredi la pression : « Ne cédez rien aux […] artisans du mensonge et des marchands de peur qui se déchaînent avec l’objectif de vous démobiliser », a-t-il lancé aux électeurs dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.

En meeting à Rouen, le chef de file du PS/Place Publique aux européennes Raphaël Glucksmann a de son côté exprimé son inquiétude face à « cette impression qu’une vague se forme et que dimanche soir, le pays tout entier aura la gueule de bois ».

« Il y a des jours qui sont fondamentaux qui arrivent », a-t-il poursuivi, en se projetant sur les reports de votes à l’issue du premier tour. Ciblé particulièrement, le camp d’Emmanuel Macron qui n’a pas tranché publiquement, mais qui semble s’orienter sur une ligne « ni Rassemblement national, ni La France insoumise ». Et ce alors que d’influents macronistes historiques ont fait savoir vendredi qu’ils la désapprouvaient.

Jeudi soir, en marge d’un sommet européen à Bruxelles, Emmanuel Macron a promis « une grande clarté » dans les consignes pour le second tour. Et a semblé nuancer son attitude, après n’avoir cessé de renvoyer dos à dos RN et LFI.

« J’ai eu l’occasion de dire qu’à l’extrême gauche des gens avaient tenu des propos sur l’antisémitisme ou la violence, sur l’antiparlementarisme que je désapprouvais, qui sortaient de l’arc républicain, mais je ne fais pas une confusion générale », a relevé le chef de l’État, dont la popularité est au plus bas (-6 points en juin selon le baromètre Toluna Harris Interactive).

Monsieur Macron a aussi dénoncé l’« arrogance » du RN qui entend lui imposer une cohabitation dure en cas de victoire et s’est « déjà réparti » tous les postes du gouvernement.

« Faute lourde »

Après avoir qualifié la fonction de chef des armées du président de la République de simple « titre honorifique », Marine Le Pen a réaffirmé vendredi sur Europe1/CNews qu’elle considérait l’envoi de troupes à l’étranger, et donc notamment en Ukraine, comme « une prérogative du Premier ministre ».

Pour le même motif, elle a aussi indiqué que Jordan Bardella à Matignon s’opposerait à la reconduction de Thierry Breton comme commissaire européen, annoncée jeudi par Emmanuel Macron à ses partenaires.

Le parti d’extrême droite a cependant dû écoper les dégâts d’une nouvelle polémique, provoquée par son député sortant Roger Chudeau. L’élu du Loir-et-Cher a estimé qu’un membre du gouvernement ne pouvait pas être binational car cela posait un « problème de double loyauté », prenant l’exemple de l’ancienne ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem dont la nomination avait été « une erreur ».

Une « faute lourde » pour Marine Le Pen, qui tente de faire taire ceux qui tiennent des propos repoussoirs, à l’heure où la dédiabolisation reste de mise.

Dimanche, une forte participation, qui pourrait être au plus haut depuis 25 ans, est attendue : près de deux électeurs sur trois prévoient d’aller voter, contre moins d’un sur deux en 2022.

Avec une conséquence prévisible : « il y aura certainement des élus dès le premier tour », à un niveau « qu’on n’avait pas connu depuis longtemps », prédit auprès de l’AFP le directeur général délégué d’Ipsos Brice Teinturier. Il y aura aussi « énormément de triangulaires » ajoute le sondeur, qui anticipe « potentiellement 200, voire 240 » circonscriptions dans ce cas de figure.

Matignon à gauche ? Les prétendants qui s’estiment « capables »

C’est le débat prématuré dont tout le monde parle : en cas de victoire du Nouveau Front populaire ou dans le cas plus probable d’une Assemblée sans majorité absolue, la gauche espère à bas bruit envoyer un représentant un Matignon.

« J’en suis capable », « pourquoi pas », « j’en fais partie »… Si en coulisses personne à gauche n’ose réellement tabler sur une majorité absolue, plusieurs personnalités ont mis publiquement leur nom au pot commun.

Jean-Luc Mélenchon, expérience et clivage

Il s’en sent « capable ». Le tribun insoumis, en plus d’un cercle de soutiens dévoués, a pour lui son expérience : ancien ministre sous Jospin, plusieurs fois parlementaire et candidat à la présidentielle ayant atteint les 22 %.

« Je ne m’élimine pas, mais je ne m’impose pas », répète Jean-Luc Mélenchon, citant également d’autres insoumis comme Manuel Bompard, Mathilde Panot, Clémence Guetté, Younous Omarjee.

Mais il a contre lui les chefs de partis communiste et socialiste. Ainsi que l’adversaire historique, l’ancien président François Hollande.

De quoi faire grincer certains Insoumis. « Je peux vous emmener dans des endroits où les gens vont dire ‘pas les socialistes, pas François Hollande’ », souligne un cadre.

Hollande, Vallaud, Rabault… le PS multifacettes

En cas de victoire du Nouveau Front populaire, l’équation semble difficile pour François Hollande tant les Insoumis sont hostiles à son héritage.

Mais en cas d’Assemblée bloquée par l’absence de majorité claire ? « Je pense que le rôle de personnalités comme moi, compte tenu des fonctions que j’ai occupées, sera de trouver des solutions », a savamment glissé le prédécesseur d’Emmanuel Macron, sans préciser à quel poste il pensait.

Si le Premier secrétaire Olivier Faure ne s’est pas avancé, certains socialistes sortent prudemment du bois. Valérie Rabault, ancienne cheffe des députés socialistes, vice-présidente de l’Assemblée et experte des questions économiques, a plaidé pour une candidature féminine, citant la présidente PS d’Occitanie Carole Delga, la députée LFI frondeuse Clémentine Autain, et « pourquoi pas » elle-même. Parfois à couteaux tirés avec les Insoumis, son nom avait circulé dans la presse en 2022 pour Matignon.

Son successeur à la tête du groupe socialiste Boris Vallaud, énarque et secrétaire adjoint de l’Élysée sous François Hollande, s’est aussi placé sur les rangs dans un calembour : « je crois que la formule c’est ‘je m’en sens capable’? Bon ben voilà ».

L’hypothèse Ruffin, la surprise Berger ?

« Je m’en sens capable », a assumé la figure de Picardie Debout, ex-député du groupe LFI, reprenant le même terme que Jean-Luc Mélenchon. Le fondateur de La France insoumise est un « obstacle » à la victoire de la gauche selon François Ruffin. La guerre semble déclarée entre les deux hommes.

Le député sortant de la Somme, se heurterait nécessairement à l’hostilité de soutiens de Jean-Luc Mélenchon. Et le fondateur du journal Fakir, radical sur les questions sociales et fiscales, pourrait-il mener une gauche recomposée, voire recentrée ?

« Les deux jambes de la gauche (recomposée) c’est François Ruffin et Raphaël Glucksmann », veut croire le maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol.

Raphaël Glucksmann s’est lui-même exclu de la course tout en plaçant une proposition surprise : l’ancien secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

« Il a l’habitude de gérer des dossiers de grande importance, de mener des négociations difficiles et sous la pression », estime une source écologiste, sans trop s’avancer. « En tout cas, c’est pas mon envie », a assuré Monsieur Berger.

Du rouge ou du vert ?

Quid des communistes et écologistes ? « J’en fais partie comme d’autres », a jugé Fabien Roussel, patron du PCF. « Si demain nous n’avons pas de majorité absolue il faudra bien aussi pouvoir travailler avec d’autres qui ne sont pas de notre sensibilité », a-t-il jugé.

Bien en vue lors de la photo de famille du Nouveau Front populaire, l’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot esquive dans un sourire la question.

« Il faut quelqu’un d’aligné avec le programme », capable d’« apaiser », de « faire consensus » et qui ait « l’expérience », égraine sur BFMTV la cheffe des Écologistes Marine Tondelier.

« Au sein du Nouveau Front populaire, il y a beaucoup de personnes qui ont été membres de gouvernement, qui dirigent de grandes collectivités territoriales, beaucoup d’écolos d’ailleurs », a-t-elle glissé. « Donc on trouvera ».

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