Quatre militants d’extrême droite ont été condamnés mercredi 12 juin à des peines allant de six mois de prison avec sursis à sept mois ferme pour leur participation à une agression homophobe à Paris dans la nuit de dimanche à lundi. Ils déambulaient dans les rues du VIe arrondissement de la capitale, et « fêtaient » la victoire du Rassemblement national aux élections européennes lorsqu’ils s’en sont pris au hasard à leur victime âgé de 19 ans.
Selon les faits rapportés par le parquet de Paris, la police était intervenue dans la nuit de dimanche à lundi, près du jardin du Luxembourg : « La victime, qui rentrait chez elle, a assuré avoir été alpaguée vers 1h30 par des propos homophobes et transphobes proférées par des personnes tenant une ceinture et un bâton », a-t-il détaillé. Toujours d’après le parquet, « un témoin et la vidéosurveillance ont confirmé qu’au moins un coup de poing avait été porté à la victime. »
À la barre, les quatre étudiants ont réfuté toute participation aux faits, s’enfermant souvent dans des réponses fuyantes aux questions du tribunal. Ils n’ont ainsi pas su expliquer pourquoi l’un d’eux avait écrit un message peu de temps après l’heure de l’agression, en indiquant que ses amis avaient « fumé un gay ».
Selon le parquet, en garde à vue, les quatre jeunes hommes tous fichés S pour leur appartenance à la mouvance d’ultradroite, ont affirmé des « revendications paramilitaires et d’affiliation au Groupe union défense [GUD, un syndicat d’étudiants d’extrême droite] et au Rassemblement national. »
À l’audience a également été évoquée leur attitude lors de leur interpellation et de leur arrivée au poste de police, la nuit des faits : ils s’y sont fait remarquer par des chants militaires ou des phrases comme « vous verrez quand Bardella (Jordan, président du RN NDLR) sera au pouvoir, quand Hitler reviendra ».
« Vous ne savez pas qui je suis, vous verrez demain ce qui va vous arriver », a menacé l’un d’eux à l’attention des policiers. « C’était une blague », s’est-il excusé à la barre expliquant qu’« on a besoin de se détendre quand on a les menottes aux mains ».
Pendant cette garde à vue, selon les informations de Libération, l’un des quatre suspects aurait déclaré aux enquêteurs : « Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut ». Une référence à une possible victoire de l’extrême droite aux élections législatives.
« Particulière gravité »
Concernant les faits proprement dits, ce sont des « violences gratuites » d’une « particulière gravité », a fustigé la représentante du parquet.
La défense, de son côté, a plaidé la relaxe, estimant les éléments à charge « trop fragiles ». En dépit du contexte – celui d’une nuit où les quatre étudiants avaient certes un peu bu, pour « fêter le succès de leur favori » aux élections européennes – la justice doit « garder son calme » et ne donner aucune « coloration politique » à sa décision, a plaidé Me Roland Poynard. Seuls les « faits objectifs » comptent, et pas les opinions des prévenus, a renchéri sa collègue, Me Capucine Collin-Lejeune.
Deux des prévenus ont été condamnés pour violences, à cinq et sept mois de prison ferme. Le tribunal correctionnel a ordonné leur incarcération immédiate. D’ici quelques jours, ils pourront toutefois demander à purger leur peine sous bracelet électronique. Les deux autres ont écopé d’une peine plus légère, de six mois avec sursis, pour « non-assistance à personne en danger ».
Parmi ces deux derniers figure Gabriel Loustau, 23 ans, une figure du GUD et fils d’Axel Loustau, ancien militant de cette organisation étudiante, ex-élu RN et autrefois proche de Marine Le Pen. « Votre père dit qu’il est fier de vous, que vous avez un fort tempérament et des convictions de patriote », a énoncé la présidente en résumant l’enquête de personnalité.
Les quatre militants ont interdiction d’entrer en contact entre eux pendant trois ans et interdiction d’entrer en contact avec la victime pendant deux ans, avec exécution provisoire.
Des fans encombrants
Gabriel Loustau a par ailleurs comparu le 22 mai à Paris pour provocation publique à commettre un délit, menace de mort, injures à caractère discriminatoire et apologie de crime. Le jugement sera rendu le 24 juin.
Tenant fort la stratégie de dédiabolisation, Jordan Bardella a assuré le 15 mai sur France Inter, que le RN n’a plus rien à voir avec l’ultradroite. Cela faisait suite à une manifestation de l’extrême droite dans les rues de Paris le 6 mai. Des militants néonazis avaient défilé le visage masqué dans les rues de la capitale. Jordan Bardella avait été interrogé, car parmi les personnes liées à cette manifestation, deux sont des proches de Marine Le Pen : Axel Loustau, présent à la manifestation, et Fréderic Chatillon, qui n’était pas là, mais qui a assuré vouloir être présent l’année prochaine.
Les deux hommes ont des liens de longue date avec le RN, ce qu’a reconnu Jordan Bardella, tout en minimisant leur rôle. « Axel Loustau n’a plus de relations commerciales avec notre mouvement depuis 2017, et Frédéric Chatillon a quitté la France », expliquait le président du RN.
Sauf que contrairement à ce qu’affirme Jordan Bardella, les liens étaient visibles jusqu’à au moins 2019. Jordan Bardella a lui-même demandé le remboursement par l’État de factures émises par e-Politic et Kon Tiki Conseil, deux sociétés de communication mobilisées par lui pour la campagne des Européennes de 2019. La cour administrative d’appel de Paris l’a désavoué et a confirmé en janvier 2024 que ces dépenses étaient excessives et injustifiées.
Le journal Libération affirme par ailleurs dans une enquête publiée le 8 juin 2023, que le Rassemblement national reste lié à e-Politic détenue en partie par Axel Loustau et Frédéric Chatillon et « comme lors des campagnes électorales précédentes, le parti y aura recours pour les européennes de 2024 malgré les profils radicaux qu’on y retrouve ».
Le RN part largement favori pour les législatives anticipées qui se tiendront en France les 30 juin et 7 juillet, après la dissolution de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron suite aux résultats des européennes.
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