110,2 millions de mètres cube d’eau. C’est le volume d’eau prélevé sur le milieu naturel en Guadeloupe en 2021. C’est plus qu’en 2020 et c’est surtout chaque fois plus, d’une année à l’autre depuis 2014. 80 % de ce volume d’eau est consacré à l’alimentation en eau potable, 17 % à l’irrigation et 3 % à d’autres usages économiques. 1,8 million de mètres cube de plus ont été dédiés en 2021 à l’alimentation en eau potable par rapport à 2020.
Pourtant, dans le même temps, la population de la Guadeloupe n’a pas cessé de diminuer. Nonobstant la pertinence et l’intérêt que suscitent les autres chiffres produits par l’Office de l’eau de Guadeloupe, ce paradoxe constitue avec les causes d’une telle progression, l’une des informations essentielles des chiffres-clés de l’eau de Guadeloupe en 2021. Chiffres rendus publics ce vendredi 9 février par l’Office de l’eau, à son siège social au jardin botanique de Basse-Terre.
Les chiffres-clés de l’eau, exercice instauré en Guadeloupe depuis six ans, restituent « une information fiable et transparente sur la ressource en eau en Guadeloupe et son utilisation, mais aussi sur le fonctionnement des services publics de l’eau et de l’assainissement », précise le document.
Réalisée par l’observatoire de l’eau en Guadeloupe, service de l’Office de l’eau, l’étude bénéficie de la contribution de la préfecture, la Deal, l’Agence régionale de santé, le conseil régional, le conseil départemental, le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) et la communauté de communes de Marie-Galante.
En somme, tous les acteurs de l’eau aussi bien ceux qui la produisent, la distribuent, la protègent ou encore en contrôlent la qualité ont pris une part active à l’élaboration de ces chiffres-clés.
Les causes de l’augmentation prélevée
L’étude ne se cantonne pas à publier des chiffres. Elle les contextualise. Elle les explicite aussi. Ainsi, l’augmentation du volume d’eau prélevé sur le milieu naturel en 2021 incombe à l’augmentation du volume d’eau consacré à l’irrigation à cause notamment de la sécheresse, mais aussi et surtout aux pertes d’un réseau de distribution d’eau potable de plus en plus défaillant.
Sur les 88,4 millions de mètres cubes d’eau prélevée en 2021 pour l’alimentation en eau potable, 84,2 millions ont été potabilisés et mis en distribution. Sur ce volume, seul 38 %, soit 31,5 millions de mètres cubes d’eau ont été consommées par la population. Le taux de perte d’eau qui était de 60,4 % en 2020 a augmenté en 2021 pour passer à 61,7 %.
Autre caractéristique des chiffres-clés 2021, ils indiquent que le taux de perte en eau potable a surtout augmenté sur le territoire géré par le SMGEAG. Même si l’étude minimise les chiffres collectés en ce qui concerne le SMGEAG (nouvelle gouvernance, nouvelle mise en place etc.) la performance du syndicat reste préoccupante au niveau du rendement du réseau de distribution. Un technicien du SMGEAG explique : « Lorsqu’on colmate une fuite en amont cela pète plus bas sous l’effet de la pression retrouvée, on ne s’en sortira jamais parce que les circuits concernés sont beaucoup trop grands ».
Si les chiffres médiocres de rendement du réseau de 2021 se confirment en 2022, cela voudra dire que la stratégie qui consiste à boucher les fuites sans mettre en place un plan global de rénovation du réseau est un échec.
Impayés records
Les coupures d’eau récurrentes dans certaines régions du territoire n’encouragent pas par ailleurs les usagers à payer leurs factures. Le taux d’impayés au SMGEAG est supérieur à 50 %. À cette allure et avec des charges en personnel qui restent importantes, le SMGEAG n’est pas près d’approcher son équilibre financier.
Les réseaux modestes font mieux
Les motifs de satisfaction viennent des territoires plus petits : Marie-Galante, Lamentin, Pointe-Noire, Deshaies, Vieux-Fort, Bouillante, Vieux Habitants. Là, le travail de recherche et de colmatage de fuites a donné des résultats. Par rapport à 2017, le rendement sur Marie-Galante s’est accru de 20 points. De même Pointe-Noire a stoppé l’augmentation continue de son taux de perte, 16 % des compteurs de la commune ont été renouvelés. Et puis surtout, sur ces territoires, le taux d’impayés ne dépasse pas les 20 %.
Ces résultats encourageants des réseaux de tailles modestes ne suffisent pas à renverser la tendance d’une distribution de l’eau encore chaotique en Guadeloupe. Ils ne concernent que 30 000 usagers, alors que le SMGEAG en compte 170 000. La pression de plus en plus forte exercée sur le milieu naturel et sa ressource en eau n’est pas sans danger.
« Certes, la Guadeloupe demeure l’île aux belles eaux » explique un cadre de l’Office de l’eau. Mais il fait observer aussi que « la ressource n’est pas infinie, elle est soumise comme partout ailleurs aux aléas du changement climatique ». Il explique encore : « En Guadeloupe, la pluviométrie a diminué. Elle est passée de 10 à 6 mètres d’eau sur la Soufrière. Les sécheresses sont de plus en plus nombreuses. 2021 est la quatrième année de sécheresse consécutive et elle figure parmi les cinq années les plus sèches depuis que la météo existe en Guadeloupe », s’alarme-t-il.
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